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Le témoignage poignant de Jozsef Debreczeni sur Auschwitz refait surface

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Le récit oublié d'un survivant de la Shoah, "Le Crématorium froid" de Jozsef Debreczeni, connaît une renaissance inattendue. Écrit en 1947, ce témoignage poétique et puissant est redécouvert et traduit mondialement.

Dans l'océan des témoignages sur la Shoah, un récit exceptionnel refait surface : "Le Crématorium froid" de Jozsef Debreczeni. Écrit dès 1947, ce texte poignant offre un regard unique sur l'horreur des camps de concentration nazis, en particulier Auschwitz-Birkenau, le plus vaste complexe d'extermination du régime hitlérien.

Debreczeni, de son vrai nom Jozsef Bruner, a survécu à l'enfer d'Auschwitz où il fut déporté en avril 1944. Son témoignage, qu'il qualifiait lui-même de "roman", transcende le simple récit historique pour atteindre une dimension littéraire rare dans ce genre de documents. L'auteur y détaille avec une sensibilité poétique les oscillations de sa volonté de survivre face à l'horreur quotidienne.

Initialement publié en 1950 dans la Yougoslavie de Tito, un État socialiste non aligné après la Seconde Guerre mondiale, le livre est longtemps resté dans l'ombre. Ce n'est que récemment, grâce à la traduction en anglais entreprise par le neveu de l'auteur, Alexandre Bruner, que l'ouvrage a commencé à circuler mondialement. La Foire du livre de Francfort de 2023, le plus grand salon du livre au monde, a marqué le début de sa diffusion internationale, avec des traductions prévues dans au moins une dizaine de langues.

"On trouve rarement des textes littéraires dans la littérature concentrationnaire. Or, à lire Debreczeni, on voit que c'est un poète, non seulement par ce qu'il dit, mais aussi par ce qu'il tait, notamment la perte de sa femme et de ses deux parents."

Raphaëlle Liebaert, directrice de la collection "La cosmopolite" chez Stock

Le parcours de Debreczeni illustre tragiquement le sort de nombreux Juifs européens durant cette période sombre. Fuyant l'antisémitisme institutionnel en Hongrie dans les années 1930, sa famille s'était réfugiée en Voïvodine, une province yougoslave. Malheureusement, l'occupation de ce territoire par les troupes hongroises alliées de l'Allemagne nazie en 1940 les rattrapa.

Le récit de Debreczeni offre un éclairage nouveau sur les annexes d'Auschwitz-Birkenau, où les déportés travaillaient à l'ombre des crématoires. Il ne fut libéré que le 8 mai 1945 du camp-"hôpital" de Dörnhau, ayant choisi de rester malgré son état d'affaiblissement extrême alors que les camps se vidaient.

Après la guerre, Debreczeni s'installa à Belgrade, capitale de la Yougoslavie, où il vécut jusqu'à sa mort à la fin des années 1970. Son témoignage, longtemps méconnu, s'inscrit désormais dans le corpus essentiel de la littérature concentrationnaire, offrant aux générations futures un aperçu poignant et littéraire de l'une des périodes les plus sombres de l'histoire humaine.

La redécouverte de ce texte souligne l'importance cruciale de la préservation et de la diffusion des témoignages de la Shoah, alors que les survivants directs disparaissent progressivement. "Le Crématorium froid" de Jozsef Debreczeni reste un rappel puissant de la nécessité de ne jamais oublier les atrocités du passé et de rester vigilants face à toute forme d'intolérance et de discrimination.

Nicolette Mathieu