La démission inattendue de Sahle-Work Zewde, présidente de l'Éthiopie, le 7 octobre 2024, marque un tournant significatif dans l'histoire politique récente du pays. Cette décision, survenue près de trois ans après le début de son mandat, souligne l'échec des espoirs de renouveau démocratique qui avaient accompagné son arrivée au pouvoir en 2018.
L'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique avec plus de 80 groupes ethniques différents, traverse une période tumultueuse. La présidence de Sahle-Work Zewde avait initialement suscité l'espoir d'un changement positif, notamment en matière de droits des femmes et de paix. Cependant, la réalité s'est avérée bien différente.
La détérioration des relations entre la présidente et le Premier ministre Abiy Ahmed a joué un rôle crucial dans cette démission. Initialement perçu comme un réformateur prometteur, Abiy Ahmed avait même reçu le prix Nobel de la paix en 2019 pour ses efforts de réconciliation avec l'Érythrée. Néanmoins, le pays a rapidement basculé dans une guerre civile dévastatrice.
La guerre du Tigré (2020-2022) a eu des conséquences catastrophiques, faisant plus de 500 000 victimes selon l'Union africaine. Sahle-Work Zewde s'est trouvée dans une position délicate, critiquant notamment les violences sexuelles massives perpétrées durant ce conflit. Cette prise de position lui a valu des tensions avec un Premier ministre de plus en plus autoritaire.
"On ne peut pas faire semblant de ne pas voir ou entendre ce qui se passe au Tigré"
Le dilemme de la présidente était évident : rester en poste et cautionner un régime s'éloignant de ses convictions, ou démissionner et perdre toute influence. Son silence prolongé durant la dernière année de son mandat témoigne de cette impasse.
La démission de Sahle-Work Zewde s'inscrit dans un contexte plus large de départs de figures emblématiques du changement, incapables de réformer le régime. L'Éthiopie, berceau de nombreuses cultures anciennes et site de découvertes paléontologiques majeures comme Lucy, fait face à une crise profonde.
Aujourd'hui, seule la capitale Addis-Abeba est considérée comme sûre. Les régions périphériques sont en proie à l'insécurité et aux violations des droits de l'homme, comme l'a souligné un groupe de 45 pays occidentaux devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies le 9 octobre 2024.
La situation en région Amhara, où vivent 36 millions de personnes, est particulièrement préoccupante. Des affrontements entre l'armée et une milice nationaliste y font rage depuis août 2023, entraînant des vagues d'arrestations d'opposants.
Le départ de Sahle-Work Zewde laisse un goût amer et soulève des questions sur l'avenir de l'Éthiopie. Ce pays, riche d'une histoire millénaire et d'une diversité culturelle exceptionnelle, se trouve à un carrefour critique de son histoire moderne.