Rapport Draghi : un constat alarmant sur la recherche européenne

Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne souligne l'importance de l'innovation, mais révèle une vision obsolète de la recherche. Le cas français illustre les défis à relever.

11 octobre 2024, 09:06  •  33 vues

Rapport Draghi : un constat alarmant sur la recherche européenne

Le 9 septembre 2024, Mario Draghi a remis à la Commission européenne un rapport crucial sur la compétitivité et l'avenir de l'Europe. Ce document, qui remet en question le dogme de l'austérité budgétaire, souligne l'importance de la recherche, de l'innovation et de la formation pour contrer le déclin économique, scientifique et technique du continent.

Bien que le rapport propose judicieusement d'investir dans des domaines clés tels que la formation, la santé et les infrastructures, il reste ancré dans une conception dépassée de la recherche et de l'université. Cette vision, fondée sur une croyance économiciste en un marché total des chercheurs et des établissements, semble inadaptée aux défis actuels.

Dans le contexte d'une dépression économique prolongée, couplée à des crises multiples (climatique, démocratique, sanitaire et sociale), il est crucial d'évaluer les politiques publiques françaises en matière de formation et de recherche mises en œuvre ces deux dernières décennies.

Le Crédit d'Impôt Recherche (CIR), introduit en France en 1983, illustre les défis auxquels est confronté le système de recherche. Cette mesure fiscale permet aux entreprises de déduire 30% de leurs dépenses de recherche et développement (R&D) de leur impôt sur les sociétés. Cependant, son efficacité est remise en question.

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Si le CIR bénéficie aux microentreprises et aux PME employant des chercheurs-ingénieurs dans le domaine des hautes technologies, son impact sur la R&D des moyennes et grandes entreprises est largement négatif. Des rapports de l'OCDE, de la Cour des comptes et de France Stratégie ont démontré que le CIR est principalement un moyen de contourner les réglementations européennes sur les aides directes aux entreprises, sans effet significatif sur l'emploi ou l'investissement en R&D.

Les conséquences indirectes sont encore plus préoccupantes. En privant la recherche publique et l'université de financements, le CIR détériore l'écosystème français de recherche et de formation. La délocalisation continue de la R&D des entreprises vers l'Asie du Sud-Est et les États-Unis s'explique par la qualité de leurs écosystèmes et la dégradation du nôtre.

Le décrochage du niveau scientifique et technique en France est alarmant. Le manque de culture scientifique au sein de la classe politique en est un symptôme révélateur. Les réformes récentes du lycée et l'absence d'une politique ambitieuse de recrutement et de formation des enseignants ont accéléré ce déclin.

Pour inverser cette tendance, il est impératif de repenser en profondeur le système de recherche et d'éducation français. Cela implique non seulement une révision des politiques de financement, mais aussi une revalorisation de la recherche fondamentale et appliquée, ainsi qu'une amélioration de la formation scientifique à tous les niveaux.

L'Europe, et la France en particulier, doivent relever ces défis pour rester compétitives sur la scène mondiale. Avec un investissement d'environ 2,2% du PIB de l'UE dans la R&D en 2024, contre 3% aux États-Unis, il est clair que des efforts supplémentaires sont nécessaires.

Le programme Horizon Europe, lancé en 2021, offre une opportunité de renforcer la collaboration et l'innovation à l'échelle européenne. De même, des initiatives comme Erasmus+ favorisent la mobilité des chercheurs et des étudiants, contribuant à enrichir l'écosystème scientifique européen.

En conclusion, le rapport Draghi, bien qu'imparfait, a le mérite de mettre en lumière les défis auxquels l'Europe est confrontée en matière de recherche et d'innovation. Il appartient maintenant aux décideurs politiques de transformer ces constats en actions concrètes pour assurer un avenir compétitif et innovant à l'Europe.