Gallimard exclu du Salon du livre d'Alger : polémique autour du roman de Daoud

La maison d'édition Gallimard se voit interdire la participation au Salon du livre d'Alger, suite à la publication du roman controversé de Kamel Daoud. Cette décision soulève des questions sur la liberté d'expression littéraire.

11 octobre 2024, 09:10  •  31 vues

Gallimard exclu du Salon du livre d'Alger : polémique autour du roman de Daoud

La prestigieuse maison d'édition Gallimard, fondée en 1911 et l'une des plus anciennes de France, se trouve au cœur d'une controverse littéraire et diplomatique. L'éditeur a été informé qu'il ne pourrait pas participer au 27e Salon du livre d'Alger, prévu du 6 au 16 novembre 2024, un événement majeur dans le monde littéraire du Maghreb.

Cette décision serait liée à la publication par Gallimard du roman "Houris" de Kamel Daoud, écrivain franco-algérien né en 1970 et lauréat du prix Goncourt du premier roman en 2015. L'ouvrage, qui aborde la guerre civile algérienne de 1992-2002, également connue sous le nom de "décennie noire", est considéré comme illégal en Algérie. Cette période sombre de l'histoire algérienne, qui a coûté la vie à environ 200 000 personnes, reste un sujet sensible dans le pays.

La loi de réconciliation nationale, adoptée en Algérie en 2005, interdit toute critique de la conduite de l'État pendant ce conflit. Cette législation, combinée à un climat général où la liberté d'expression est classée comme "non libre" par Freedom House, explique l'impossibilité de publier ou d'importer "Houris" en Algérie.

Image

Malgré cette interdiction officielle, Kamel Daoud a révélé lors du festival Les Correspondances de Manosque le 25 septembre 2024 que son livre circule en Algérie sous forme piratée. Ce phénomène souligne la complexité du marché du livre algérien, estimé à environ 50 millions d'euros par an, et les défis auxquels sont confrontés les auteurs et éditeurs dans un contexte de censure.

"Mon livre est lu en Algérie parce qu'il est piraté. Il n'est pas édité, malheureusement. Mais il est critiqué, il est commenté. Et, c'est un travers de notre époque, il l'est même par des gens qui ne l'ont pas lu."

Kamel Daoud, lors du festival Les Correspondances de Manosque

En solidarité avec Gallimard, les autres maisons d'édition du groupe Madrigall, dirigé par Antoine Gallimard, ont également décidé de ne pas participer au Salon du livre d'Alger. Cette décision collective souligne l'importance de la liberté d'expression dans le monde de l'édition française, où la loi Lang garantit un prix unique pour les livres depuis 1981.

Le Syndicat national de l'édition (SNE), qui représente plus de 700 maisons d'édition en France, a exprimé son soutien à Gallimard dans un communiqué publié le 10 octobre 2024. Le SNE a souligné l'importance de la circulation des livres et des auteurs entre la France et l'Algérie, rappelant les liens complexes qui unissent ces deux pays, marqués par une histoire coloniale et des enjeux contemporains.

Cette affaire met en lumière les défis persistants liés à la liberté d'expression littéraire en Algérie, où le taux d'alphabétisation atteint 81%, l'un des plus élevés d'Afrique. Elle soulève également des questions sur l'avenir de la production littéraire algérienne en langue française, qui reste importante malgré la politique d'arabisation du pays.