Débat sur les partenariats universitaires franco-israéliens en temps de guerre

Face au conflit à Gaza, les universités françaises sont confrontées à des appels au boycott des institutions israéliennes. La situation soulève des questions sur l'éthique des coopérations académiques en temps de crise.

9 octobre 2024, 09:25  •  13 vues

Débat sur les partenariats universitaires franco-israéliens en temps de guerre

Dans le contexte actuel du conflit à Gaza, les universités françaises se trouvent face à un dilemme éthique concernant leurs partenariats académiques avec Israël. Cette situation soulève des questions cruciales sur la légitimité de maintenir des collaborations scientifiques avec un pays engagé dans un conflit armé.

Depuis le printemps 2024, des "comités Palestine" se sont formés dans de nombreux établissements d'enseignement supérieur français. Ces groupes d'étudiants mobilisés appellent à un boycott des institutions israéliennes et à la création de commissions d'étude pour examiner en détail les coopérations existantes, qu'elles soient économiques ou académiques.

Le professeur émérite Bertrand Badie de Sciences Po Paris, l'une des grandes écoles les plus prestigieuses de France, exprime son inquiétude face à l'absence de réflexion institutionnelle sur ce sujet. Il souligne que l'autonomie des universités françaises, renforcée par la loi LRU de 2007, ne devrait pas empêcher une réflexion collective sur ces enjeux.

"Qui a fait l'effort de poser ces éléments ? A ma connaissance, personne, c'est un échec grave de l'institution universitaire française"

Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po

La situation actuelle contraste fortement avec la réaction rapide observée lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022. À cette époque, un embargo scientifique sans précédent avait été mis en place contre la Russie, avec France Universités suspendant son protocole d'accord avec l'Union des recteurs de Russie dès le 10 mars 2022.

Il est important de noter que le boycott académique d'Israël est un sujet controversé depuis les années 2000, avec le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) lancé en 2005. Cependant, la liberté académique reste un principe fondamental dans l'enseignement supérieur, et la loi française interdit la discrimination basée sur l'origine nationale.

Les partenariats universitaires internationaux, qui incluent souvent des échanges d'étudiants et de chercheurs, jouent un rôle crucial dans la diplomatie scientifique. L'UNESCO promeut d'ailleurs la coopération scientifique internationale comme un outil de paix. Néanmoins, la recherche à double usage (civil et militaire) soulève des préoccupations éthiques, notamment dans le cas d'institutions comme le Technion en Israël, connu pour ses liens étroits avec l'industrie de la défense.

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Face à cette situation complexe, Bertrand Badie appelle à une réflexion approfondie et concertée pour établir des critères clairs permettant de décider de la poursuite ou de l'arrêt des coopérations avec les universités, qu'elles soient israéliennes ou russes. Cette démarche s'inscrit dans une perspective plus large de diplomatie scientifique, un concept émergent dans les relations internationales, comme l'a souligné la conférence de Bonn en 2011 sur l'importance de la science pour la diplomatie et le développement.

Alors que le conflit israélo-palestinien dure depuis plus de 70 ans, il est crucial que la communauté académique française trouve un équilibre entre le maintien de la coopération scientifique internationale et la prise en compte des enjeux éthiques et politiques. Cette réflexion pourrait s'inspirer des accords d'Oslo de 1993, qui avaient encouragé la coopération académique israélo-palestinienne, tout en tenant compte des réalités actuelles du conflit.