Crise en Argentine : Les retraités face à une pauvreté croissante

En Argentine, la situation économique continue de se détériorer, affectant particulièrement les retraités. Dans un centre communautaire de Buenos Aires, Felicita Ruboni, 74 ans, illustre cette réalité poignante. Malgré son apparence soignée, elle se trouve contrainte de fréquenter un centre de repas solidaires pour subvenir à ses besoins quotidiens.

"Je suis absolument pauvre ! Je perçois la pension minimale. Une fois le loyer et les factures payés, je n'ai plus rien."

Cette situation n'est pas isolée. Selon les dernières données de l'Indec, l'institut de statistique argentin, 52,9% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Ce chiffre alarmant représente une augmentation de onze points par rapport au second semestre 2023, juste avant l'arrivée au pouvoir du président ultralibéral Javier Milei.

L'inflation, véritable fléau économique, atteint des sommets avec une hausse des prix de près de 237% sur un an. Cette situation rappelle les périodes sombres de l'histoire économique argentine, notamment l'hyperinflation record de 1989-1990. Bien que l'Argentine soit membre du G20 et dispose de ressources naturelles importantes, comme le lithium, ces atouts ne suffisent pas à enrayer la crise actuelle.

Les mesures de dérégulation économique mises en place par le gouvernement Milei ont eu des conséquences immédiates et dévastatrices. L'inflation a explosé, atteignant 25,5% en décembre 2023 et 20,6% en janvier 2024. Bien que le taux mensuel se soit stabilisé autour de 4%, les dégâts sur le pouvoir d'achat des Argentins, en particulier des retraités, sont considérables.

Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables face à cette crise. Près de 30% des plus de 65 ans étaient considérés comme pauvres au premier semestre 2024, soit une augmentation de douze points par rapport au semestre précédent. Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'Argentine possède l'une des espérances de vie les plus élevées d'Amérique latine.

Leopoldo Tornarolli, économiste à l'université de La Plata, souligne la fragilité de la situation des retraités : "Beaucoup sont à peine au-dessus de la ligne de pauvreté. Par conséquent, si leur pouvoir d'achat se détériore, ils basculent d'un moment à l'autre."

Cette crise s'inscrit dans un contexte plus large de difficultés économiques récurrentes en Argentine. Le pays a connu plusieurs défauts sur sa dette souveraine et a été soumis à un régime de contrôle des changes pendant plusieurs années. Malgré un indice de développement humain élevé, l'Argentine peine à retrouver la prospérité qui était la sienne au début du 20e siècle, lorsqu'elle figurait parmi les pays les plus riches du monde.

Face à cette situation, de nombreux Argentins se tournent vers l'économie informelle ou envisagent l'émigration, rappelant l'exode économique du début des années 2000. Le système de santé publique universel, bien que sous-financé, et la tradition de mouvements syndicaux forts constituent des filets de sécurité fragiles pour une population de plus en plus précarisée.

Alors que le gouvernement Milei poursuit ses réformes controversées, l'avenir des retraités argentins reste incertain, symbolisant les défis économiques et sociaux auxquels le pays est confronté.