Louis Viannet, figure emblématique du syndicalisme français, a marqué l'histoire de la Confédération générale du travail (CGT) d'une manière inattendue. Né en 1933 dans une famille ouvrière et communiste, rien ne prédestinait ce fils d'un militant fervent à devenir le premier secrétaire général de la CGT titulaire du baccalauréat, une distinction créée par Napoléon Bonaparte en 1808.
Grandir dans la pauvreté n'a pas empêché Viannet de développer des passions variées. Amateur de jazz, ce genre musical né aux États-Unis au début du 20e siècle, il appréciait également le bridge, un jeu de cartes évoluant du whist au 19e siècle, et les échecs, dont les règles modernes se sont établies en Europe dès le 15e siècle. Sa passion pour la chasse, une pratique réglementée en France depuis le Moyen Âge, complétait ce profil atypique pour un leader syndical.
Le parcours syndical de Viannet débute lors des grandes grèves de 1953 aux PTT, l'ancienne administration des Postes, Télégraphes et Téléphones qui a existé de 1879 à 1991. Cette expérience le conduit à adhérer simultanément à la CGT, fondée en 1895, et au Parti communiste français (PCF), créé en 1920. Sa carrière au sein de la CGT progresse rapidement, culminant avec son accession au poste de secrétaire général en 1992.
Initialement perçu comme un syndicaliste orthodoxe, Viannet surprend en devenant l'artisan d'une transformation profonde de la CGT. Son évolution reflète les changements du paysage politique français, notamment après l'élection de François Mitterrand à la présidence en 1981, marquant le début d'une ère socialiste qui durera jusqu'en 1995.
La biographie "Entre hier et demain. Louis Viannet, 1933-2017" par Christian Langeois offre un portrait nuancé de cet homme surnommé "Loulou". Elle révèle une personnalité complexe, à la fois chaleureuse et rugueuse, capable de critiquer la "mollesse" de son prédécesseur Henri Krasucki face au gouvernement socialiste, tout en menant des réformes audacieuses au sein de la CGT.
"J'avais l'étiquette du stalinien de service"
Cette citation illustre le paradoxe de Viannet, qui, malgré son image initiale de conservateur, a su adapter la CGT aux réalités changeantes du monde du travail. Son parcours témoigne de l'évolution du syndicalisme français, enraciné dans une histoire remontant au 19e siècle, face aux défis du 20e siècle finissant.
L'ouvrage de Langeois, bien que parfois trop détaillé sur les conflits internes de la CGT, offre un aperçu fascinant de l'histoire syndicale française. Il met en lumière les liens complexes entre le syndicalisme et la politique, notamment à travers l'échec du programme commun de la gauche en 1977 et les relations tendues avec d'autres organisations syndicales comme la FEN, FO et la CFDT.
Le livre souligne également l'influence du contexte international sur le syndicalisme français, évoquant indirectement des figures comme Joseph Staline, qui dirigea l'Union soviétique de 1922 à 1953, et des institutions comme le Vatican, devenu État souverain en 1929.
En retraçant la vie de Louis Viannet, de son enfance modeste à son rôle de réformateur de la CGT, cette biographie offre une perspective unique sur les transformations du mouvement syndical français au cours de la seconde moitié du 20e siècle.