Procès à Bobigny : deux policiers jugés pour tirs sur un véhicule

Deux brigadiers comparaissent pour violences volontaires après avoir blessé grièvement un conducteur et sa passagère lors d'un contrôle en 2021. L'affaire soulève des questions sur l'usage des armes par la police.

3 octobre 2024, 09:05  •  0 vues

Procès à Bobigny : deux policiers jugés pour tirs sur un véhicule

Le 3 octobre 2024, deux brigadiers de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) comparaissent devant le tribunal judiciaire de Bobigny, l'un des plus importants de France, pour répondre de violences volontaires avec arme. Cette affaire, qui remonte à la nuit du 15 au 16 août 2021, soulève des questions cruciales sur l'usage des armes par les forces de l'ordre en France.

L'incident s'est déroulé à Stains, une commune d'environ 39 000 habitants en Seine-Saint-Denis, le département le plus jeune de France métropolitaine. Vers 1h30 du matin, une équipe de la BAC, créée en 1994 et opérant généralement en civil et en voiture banalisée, a tenté de contrôler un véhicule dont le conducteur était soupçonné de conduire sous l'emprise de l'alcool, un délit sanctionné en France depuis 1965.

La situation a rapidement dégénéré lorsque le véhicule, d'abord immobilisé, a effectué une marche arrière puis repris sa route. Les policiers ont alors ouvert le feu, tirant huit balles en 6,25 secondes. Le conducteur, Nordine A., a été touché cinq fois, subissant des blessures graves à l'abdomen, aux bras, à l'aine et au thorax, entraînant 127 jours d'incapacité totale de travail (ITT). La passagère, Merryl, a été atteinte à la rate, un organe crucial pour le système immunitaire, et s'est vu prescrire 100 jours d'ITT.

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Me Laurent-Franck Liénard, avocat des policiers, affirme que ses clients ont agi en légitime défense face à un "conducteur fou". Cependant, la juge d'instruction a remis en question la proportionnalité des tirs, certains ayant été effectués à moins d'un mètre de la victime. Cette affaire soulève des débats sur l'assouplissement des règles d'usage des armes à feu par les policiers, un sujet récurrent en France depuis les années 2000.

Nordine A. assure n'avoir pas eu conscience de la fonction des policiers, qui intervenaient sans signe distinctif. Cette affirmation met en lumière l'importance de l'identification claire des forces de l'ordre, même lors d'opérations en civil. Il convient de noter que depuis 2021, l'usage des caméras-piétons est devenu obligatoire pour les policiers français, ce qui pourrait aider à clarifier ce type de situations à l'avenir.

Dans une procédure annexe, Nordine A. a été condamné en appel à deux ans d'emprisonnement pour refus d'obtempérer et violences volontaires, un délit introduit en France en 1972. Cette condamnation souligne la complexité de l'affaire et la nécessité d'examiner tous les aspects de l'incident.

Ce procès intervient dans un contexte où la formation des policiers, notamment en matière de désescalade des conflits et d'usage des armes, est scrutée de près. Avec environ 90 heures de formation au tir, les policiers français sont confrontés à des situations de plus en plus complexes, nécessitant un équilibre délicat entre protection de leur intégrité et respect des droits des citoyens.

"Un équilibre manque dans la procédure, j'espère que le tribunal va le rétablir"

Me Margot Pugliese, avocate de Nordine A.

L'issue de ce procès pourrait avoir des implications significatives sur la façon dont les forces de l'ordre interviennent lors de refus d'obtempérer et sur l'interprétation de la légitime défense dans ces situations. Il met également en lumière l'importance de la transparence et de la responsabilité dans les interventions policières, des enjeux cruciaux pour maintenir la confiance entre la police et la population.