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Le "Collège invisible" : des experts unis contre la fraude scientifique

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Un groupe international d'experts scientifiques s'est réuni à Paris pour lutter contre les manquements à l'intégrité dans la recherche. Leur mission : décontaminer la littérature scientifique et renforcer leur communauté.

Un groupe international d'experts scientifiques, surnommé le "Collège invisible", s'est réuni pour la première fois à Paris du 17 au 19 septembre 2023. Cette quarantaine de "détectives" de la science, venus de divers pays tels que la Nouvelle-Zélande, l'Australie, les États-Unis, l'Allemagne, la Suisse et Majorque, a pour mission de lutter contre les manquements à l'intégrité dans la littérature scientifique.

Le terme "Collège invisible" a une histoire riche, ayant été utilisé depuis le 17e siècle pour décrire des groupes informels de scientifiques collaborant à distance. Cette réunion marque une étape importante dans la consolidation de leurs efforts, jusqu'alors souvent individuels ou en petits groupes.

Cyril Labbé, professeur à l'université Grenoble Alpes et co-organisateur de l'événement, souligne l'importance de cette rencontre physique : "Se voir physiquement crée quelque chose de plus fort". Cette réunion s'inscrit dans le cadre du projet européen NanoBubbles, qui étudie l'"autocorrection de la science".

Les membres du "Collège invisible" présentent une grande diversité de profils et de spécialités :

  • Elisabeth Bik est experte dans la détection d'images dupliquées
  • Jennifer Byrne traque les fausses séquences génétiques et lignées cellulaires
  • Smut Clyde est habile à identifier les "paper mills", un phénomène apparu dans les années 2010
  • Lonni Besançon a analysé les faiblesses éthiques des articles de Didier Raoult
  • Nick Brown se concentre sur les erreurs statistiques

La fraude scientifique n'est pas un phénomène nouveau, existant depuis les débuts de la science moderne. Cependant, l'ampleur du problème est préoccupante. En 2022, environ 3000 articles scientifiques ont été rétractés, soit 0,04% des publications. La première rétractation d'un article scientifique remonte à 1756, mais le phénomène s'est amplifié ces dernières années.

Le travail de ces experts n'est pas sans risques. Sur une quinzaine de chercheurs interrogés, deux tiers déclarent avoir reçu des insultes et un quart des plaintes plus formelles. Malgré ces défis, tous restent déterminés à poursuivre leur mission.

Guillaume Cabanac, professeur à l'université Toulouse-III-Paul-Sabatier et l'un des organisateurs du colloque, souligne l'importance de créer une communauté de soutien : "L'un des buts [de notre action] est aussi de se soutenir, pour ne pas rester seuls. Créer une communauté".

La lutte contre la fraude scientifique s'inscrit dans un contexte plus large d'efforts pour améliorer l'intégrité de la recherche. Des initiatives telles que l'open science, le partage des données brutes et l'utilisation de l'intelligence artificielle pour détecter les fraudes sont de plus en plus promues. La pandémie de COVID-19 a mis en lumière l'importance de ces efforts, avec une augmentation des publications rapides et des rétractations dans le domaine médical.

Le "Collège invisible" joue un rôle crucial dans ce qu'on appelle l'"autocorrection de la science", un processus essentiel pour maintenir la confiance du public dans la recherche scientifique et assurer la fiabilité des connaissances sur lesquelles nous nous appuyons.