La vérité censurée : le silence sur la "guerre sale" mexicaine

Une commission historique révèle l'ampleur de la répression au Mexique entre 1960 et 1990. Malgré des découvertes cruciales, les autorités censurent le rapport, soulevant des questions sur la volonté de confronter le passé.

2 octobre 2024, 02:03  •  0 vues

La vérité censurée : le silence sur la "guerre sale" mexicaine

La Commission pour la vérité au Mexique a récemment conclu une enquête sans précédent sur la période connue sous le nom de "guerre sale" (1960-1990). Cette investigation, menée par cinquante experts et historiens, visait à éclaircir une époque sombre de l'histoire mexicaine, marquée par une répression généralisée.

Le Mécanisme pour la vérité et l'éclaircissement historique, créé par décret présidentiel d'Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), a produit deux rapports totalisant 7 000 pages. Ces documents, publiés en juillet et septembre 2024, révèlent l'étendue des violations des droits humains commises non seulement contre les organisations politiques, mais aussi contre l'ensemble de la société mexicaine.

Parmi les découvertes cruciales, le rapport souligne que la répression visait toute forme de dissidence, dépassant largement le cadre politique. Les méthodes de contre-insurrection étaient employées non seulement par l'armée, mais aussi par les forces de police fédérales et locales. Chaque niveau de gouvernement interprétait à sa manière qui représentait une menace, conduisant à une répression généralisée et arbitraire.

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Cependant, au lieu de marquer un moment historique de reconnaissance et de réconciliation, la publication des rapports a été accueillie par un silence assourdissant de la part des autorités. AMLO, connu pour ses longues conférences de presse quotidiennes où il aborde souvent des sujets historiques, n'a pas commenté les résultats.

Plus troublant encore, le ministère de l'Intérieur a censuré une grande partie du travail des historiens, ne publiant qu'un résumé tendancieux de 110 pages. Cette décision a suscité l'indignation des chercheurs et de la société civile, qui y voient une tentative de minimiser l'ampleur des violations commises pendant la "guerre sale".

"Chaque gouverneur, chaque corps de police, chaque commandement militaire a fini par interpréter qui était un communiste, qui représentait une menace, comment il fallait réprimer les dissidences et discipliner la population"

Extrait du rapport censuré

Cette censure soulève des questions cruciales sur la volonté du gouvernement mexicain de confronter son passé et d'œuvrer pour la justice et la réconciliation. Les familles des disparus, qui manifestent régulièrement comme lors du rassemblement du 22 juin 2022 au camp militaire numéro 1 à Naucalpan, continuent de demander vérité et justice.

La "guerre sale" reste un sujet sensible dans la politique mexicaine contemporaine. La création de la commission était considérée comme un pas important vers la reconnaissance des erreurs du passé. Cependant, la censure des rapports suggère que le chemin vers une véritable réconciliation nationale reste long et difficile.

Alors que Claudia Sheinbaum s'apprête à succéder à AMLO le 1er octobre 2024, la question de la gestion de ce passé douloureux restera un défi majeur pour la nouvelle administration. La société mexicaine attend toujours une reconnaissance officielle et complète des atrocités commises pendant cette période sombre de son histoire.