Dans un contexte économique tendu, l'agence de notation Fitch s'apprête à rendre son verdict sur la note financière de la France ce 11 octobre 2024. Cette décision, attendue avec anxiété, pourrait avoir des répercussions significatives sur l'économie française et sa capacité d'emprunt.
Les agences de notation, dont l'histoire remonte à plus d'un siècle, jouent un rôle crucial dans l'évaluation de la santé financière des pays et des entreprises. Moody's, fondée en 1909, fut l'une des pionnières de ce secteur. En 1924, Fitch introduisit le système de notation "AAA", devenu depuis une référence mondiale.
Aujourd'hui, trois géants américains dominent le marché : Standard & Poor's, Moody's et Fitch. Ces "Big Three" détiennent 93% des parts de marché dans l'Union européenne, malgré les efforts pour promouvoir d'autres agences. Leur influence est telle que certains pays, comme la Chine avec Dagong en 1994, ont créé leurs propres agences pour contrebalancer ce pouvoir.
Le processus de notation est complexe et prend en compte de nombreux facteurs. Pour la France, Fitch a notamment considéré "les pressions sociales et politiques illustrées par les manifestations contre la réforme des retraites" lors de sa précédente évaluation. Les conséquences d'une dégradation peuvent être sévères, influençant directement les conditions d'emprunt d'un pays ou d'une entreprise.
"Tous les clients professionnels, du fonds de pension nordique à la banque centrale asiatique, qui ont des années de réserves devant eux, ont fixé leurs règles de gestion en fonction du rating : pas de limite pour le triple A, limite pour le double A, pas plus de 5 % pour le A, interdiction ensuite."
Le modèle économique des agences de notation a évolué depuis les années 1970. Auparavant rémunérées par les utilisateurs de leurs notes, elles sont désormais payées par les entités qu'elles évaluent. Cette situation soulève des questions sur les potentiels conflits d'intérêts, comme l'a illustré un courriel révélé lors d'une enquête sénatoriale américaine en 2009.
Face à ces préoccupations, des mesures de régulation ont été mises en place, notamment en Europe. L'Autorité européenne des marchés financiers peut désormais enquêter et sanctionner les agences en cas d'infractions. En 2019, Fitch a ainsi été condamnée à une amende de plus de 5 millions d'euros pour non-respect des règles sur la prévention des conflits d'intérêts.
Malgré ces efforts, les agences de notation continuent d'exercer une influence considérable sur l'économie mondiale. Leur rôle dans la crise financière de 2008 et la crise de la dette grecque a été vivement critiqué, tout comme leur supposé biais pro-américain. En 2011, Standard & Poor's a même commis une erreur de 2 000 milliards de dollars dans l'évaluation de la dette américaine, soulignant les limites de leur expertise.
Alors que la France attend le verdict de Fitch, il est crucial de comprendre les enjeux et les limites de ces évaluations financières. Si elles fournissent des indications précieuses aux investisseurs, leur influence sur les politiques économiques des pays soulève des questions sur la gouvernance financière mondiale.