Orano étend son usine d'enrichissement d'uranium pour réduire la dépendance russe
Orano lance l'extension de son usine d'enrichissement d'uranium du Tricastin, visant à accroître sa production de 30% d'ici 2028. Ce projet de 1,7 milliard d'euros renforce l'indépendance énergétique française.
Dans un contexte de tensions géopolitiques, la France intensifie ses efforts pour renforcer son indépendance énergétique. Le 10 octobre 2024, Orano a officiellement lancé le chantier d'extension de son usine d'enrichissement d'uranium Georges Besse 2, située sur le site du Tricastin dans la Drôme. Cet investissement majeur de 1,7 milliard d'euros vise à accroître la capacité de production de plus de 30% d'ici 2028.
L'enrichissement de l'uranium est une étape cruciale dans la production de combustible nucléaire. Ce processus consiste à augmenter la concentration de l'isotope uranium-235, le principal isotope fissile utilisé dans les réacteurs nucléaires, de 3% à 4%. La technologie de centrifugation employée par Orano est reconnue comme la méthode moderne la plus efficace pour l'enrichissement de l'uranium, remplaçant l'ancienne technique de diffusion gazeuse.
Ce projet s'inscrit dans une stratégie plus large visant à réduire la dépendance de l'Europe, et particulièrement de la France, au combustible nucléaire russe. Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 février 2022, les pays européens cherchent à diversifier leurs sources d'approvisionnement énergétique. La France, qui possède le plus grand parc nucléaire au monde en proportion de sa production électrique, est particulièrement concernée par cet enjeu.
Nicolas Maes, directeur général d'Orano, a souligné l'importance de cet investissement, le qualifiant d'« un des cinq plus importants projets industriels en cours en France aujourd'hui ». L'objectif est de permettre à Orano et à ses clients de « se désensibiliser aux risques géopolitiques », sans mentionner directement la Russie.
Actuellement, Orano ne produit que 12% de l'uranium enrichi dans le monde, loin derrière le leader russe Tenex, filiale de Rosatom, qui détient 43% du marché mondial. Avec cette extension, Orano prévoit d'augmenter sa part à 16%, renforçant ainsi sa position sur le marché international.
L'investissement d'Orano bénéficiera non seulement à la France mais aussi à de nombreux exploitants de centrales nucléaires dans le monde, notamment en Europe, aux États-Unis, en Corée du Sud et au Japon. La production accrue permettra d'alimenter en électricité nucléaire l'équivalent de 120 millions de foyers par an.
Il est important de noter que malgré ces efforts, EDF, qui exploite 57 réacteurs en France, reste partiellement dépendant des fournisseurs russes. Cependant, comme l'a souligné l'ONG Greenpeace en 2023, cette dépendance n'est pas totale.
L'extension de l'usine Georges Besse 2 s'appuie sur une technologie éprouvée, les 14 blocs de centrifugeuses fonctionnant à plein régime depuis 2016 ayant donné satisfaction. Cette technologie permet de réduire de 90% la consommation d'électricité par rapport à l'ancienne méthode d'enrichissement par diffusion gazeuse.
"Ce projet permettra à Orano et à ses clients de se désensibiliser aux risques géopolitiques."
Ce projet s'inscrit dans un contexte économique favorable, le cours de l'unité de travail de séparation ayant plus que doublé depuis le début du conflit russo-ukrainien. Il reflète également l'engagement de la France dans le développement de son industrie nucléaire, comme en témoigne l'annonce en 2022 de la construction de nouveaux réacteurs.
L'industrie nucléaire, soumise à des réglementations strictes en matière de sécurité et de non-prolifération, joue un rôle crucial dans la stratégie énergétique de nombreux pays. L'extension de l'usine d'Orano représente ainsi un pas important vers une plus grande souveraineté énergétique, tout en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.