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Évolution de la définition du viol en France : progrès et défis

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La loi de 1980 a élargi la définition du viol en France, mais des lacunes persistent. Malgré les avancées, de nombreuses plaintes pour violences sexuelles restent sans suite, révélant les limites du système actuel.

La définition légale du viol en France a connu une évolution significative au fil des années, mais des défis persistent dans la lutte contre les violences sexuelles. Catherine Le Magueresse, juriste et chercheuse associée à l'Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne, offre un éclairage sur cette question complexe.

La loi du 23 décembre 1980 a marqué un tournant dans la définition juridique du viol en France. Cette législation, adoptée suite au célèbre "procès d'Aix" de 1978, a élargi la notion de viol pour inclure "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, sur la personne d'autrui par violence, contrainte ou surprise". En 1992, la menace a été ajoutée à cette définition.

Cette évolution législative a permis de reconnaître comme viol des actes auparavant non qualifiés comme tels, notamment :

  • Les viols commis sur des hommes par des femmes
  • Les viols conjugaux
  • Les actes de pénétration autres que le coït

Avant 1980, le viol n'était défini que par la jurisprudence, se limitant à un "coït illicite commis avec violence". Au milieu du XIXe siècle, la Cour de cassation avait étendu cette définition pour inclure les cas de contrainte ou de surprise.

Malgré ces avancées, la définition actuelle du viol en France présente des limites. Catherine Le Magueresse souligne que l'interprétation stricte du code pénal, exigeant la présence de "violence, contrainte, menace ou surprise", empêche la condamnation de nombreux cas de violences sexuelles. Cette situation est particulièrement problématique lorsque la victime connaît son agresseur, ce qui représente 91% des cas en 2017 selon un rapport de l'Assemblée nationale.

Les statistiques révèlent l'ampleur du problème : entre 2012 et 2021, 86% des plaintes pour violences sexuelles ont été classées sans suite, d'après une note de l'Institut des politiques publiques. Cette réalité souligne l'urgence de repenser la définition légale du viol et son application dans le système judiciaire français.

"Les magistrats se retrouvent donc dans l'incapacité de condamner de nombreux cas de violences sexuelles, qui échappent à ces quatre circonstances."

Catherine Le Magueresse explique :

Il est crucial de noter que la majorité des victimes connaissent leur agresseur, ce qui complique souvent la reconnaissance de la violence subie. De plus, les réactions des victimes, telles que la sidération ou la paralysie, ne correspondent pas toujours aux critères légaux actuels, rendant difficile la qualification de viol.

Pour améliorer la situation, il serait pertinent d'envisager une approche basée sur le consentement, comme l'ont fait certains pays. La formation des professionnels de justice sur les violences sexuelles et la sensibilisation du public aux mythes sur le viol sont également essentielles pour faire évoluer les mentalités et la pratique judiciaire.

En conclusion, bien que la loi de 1980 ait marqué un progrès significatif, la définition actuelle du viol en France nécessite une révision pour mieux protéger les victimes et refléter la réalité complexe des violences sexuelles.