La liquidation de l'entreprise Milee, spécialisée dans la distribution de prospectus, a plongé 10 100 employés dans une situation précaire sans précédent. Cette crise, considérée comme la plus importante catastrophe sociale en France depuis quatre décennies, soulève des questions sur la précarité de l'emploi et le manque d'attention médiatique.
Le 9 septembre 2024, Milee a été placée en liquidation judiciaire, laissant ses employés sans ressources. La distribution de prospectus, une forme de marketing direct, emploie environ 20 000 personnes en France. Cependant, ce secteur est en déclin face à la montée du numérique, ce qui explique en partie les difficultés rencontrées par l'entreprise.
Sébastien Bernard, délégué syndical central CGT, s'indigne : « Y a 10 100 personnes sur le carreau, c'est la plus grande catastrophe sociale depuis quarante ans dans ce pays, comment ça se fait que ça ne fasse pas l'ouverture de tous les JT de France ? » La CGT, le plus ancien syndicat de France fondé en 1895, joue un rôle crucial dans la défense des droits de ces travailleurs.
Pour attirer l'attention sur leur situation, des dizaines d'employés ont manifesté le 8 octobre 2024 devant le ministère de l'économie et des finances à Bercy, Paris. Beaucoup n'ont pas pu se joindre à la manifestation en raison de leur situation financière précaire.
La plupart des distributeurs travaillaient à temps partiel, au salaire minimum, qui est réévalué chaque année en France. Parmi eux, on trouve de nombreuses personnes vulnérables, notamment des mères célibataires, qui représentent environ 20% des familles monoparentales en France, et des retraités complétant leurs maigres pensions.
Marie-Ange Goyard, 37 ans, distributrice au dépôt de Roanne, témoigne de sa détresse : « Vous savez ce qu'il va faire mon homme cet après-midi, comme tous les mardis ? Il va aller aux Restos du cœur ! » Les Restos du cœur, une association caritative fondée en 1985, sont devenus un recours essentiel pour de nombreux employés de Milee.
La situation est particulièrement critique pour les employés âgés de plus de 70 ans, qui représentent environ 1 700 personnes selon Sud-PTT. Ces derniers ne bénéficient d'aucune allocation chômage, le système d'assurance chômage français géré par l'Unédic ne couvrant pas cette catégorie d'âge.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dénonce l'hypocrisie des responsables politiques et patronaux : « Il y a une hypocrisie énorme des responsables politiques et patronaux qui connaissaient la situation, mais comme les salariés sont très précaires et disséminés sur tout le territoire, ils se sont dit "On est tranquille, personne ne va réagir". »
Cette crise met en lumière la précarité de l'emploi qui touche environ 3,4 millions de personnes en France. Avec un taux de chômage de 7,1% au deuxième trimestre 2024, la situation de ces employés soulève des questions sur la protection sociale et le droit du travail français, qui prévoit pourtant des indemnités en cas de licenciement économique.
« On a l'impression d'être des invisibles, un quart-monde. »
Cette crise sociale chez Milee met en évidence les défis auxquels sont confrontés les travailleurs précaires en France, notamment face à l'évolution du marché du travail et à la transformation numérique. Elle souligne également l'importance du rôle des syndicats et la nécessité d'une attention médiatique et politique accrue pour les problèmes sociaux majeurs.