Sommet de la Francophonie 2024 : Un forum en quête de pertinence politique

Le XIXe sommet de la Francophonie se tient à Villers-Cotterêts et Paris, révélant les défis diplomatiques et linguistiques de l'organisation. L'événement souligne la nécessité de repenser le projet francophone face aux tensions régionales.

4 octobre 2024, 09:07  •  0 vues

Sommet de la Francophonie 2024 : Un forum en quête de pertinence politique

Le XIXe sommet de la Francophonie, qui se déroule les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts et Paris, met en lumière les défis auxquels l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est confrontée. Cet événement, qui réunit une dizaine de chefs d'État africains et plusieurs de leurs homologues d'Europe, d'Amérique et d'Asie, soulève des questions sur la pertinence politique et diplomatique de cette institution.

L'OIF, créée en 1970, compte aujourd'hui 88 États et gouvernements membres, représentant plus de 300 millions de locuteurs de français dans le monde. Malgré cette envergure, le sommet ne semble pas aborder les grands enjeux mondiaux ni les tensions en Afrique subsaharienne, illustrant ainsi une certaine faiblesse diplomatique.

Un exemple frappant est l'absence de discussion sur le conflit dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), qui dure depuis près de trois ans. Bien que le président français Emmanuel Macron doive rencontrer séparément les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, ces entretiens se dérouleront en marge du sommet, soulignant les limites de l'OIF dans la résolution des conflits régionaux.

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La position de la secrétaire générale de l'OIF, Louise Mushikiwabo, ancienne ministre rwandaise des affaires étrangères, est également source de tensions. Sa nomination en 2018, soutenue par Emmanuel Macron, a été perçue comme un geste envers le Rwanda, mais a suscité des critiques, notamment de la part de la RDC qui a boycotté la journée de la francophonie le 20 mars 2024.

"La francophonie est une communauté de valeurs comme celles de paix, de démocratie, d'État de droit, de solidarité, d'égalité entre hommes et femmes et de diversité culturelle."

Christophe Lutundula, ancien chef de la diplomatie congolaise

La réintégration controversée de la Guinée au sein de l'OIF, malgré les préoccupations concernant la situation des droits de l'homme dans le pays, soulève également des questions sur la cohérence des valeurs défendues par l'organisation.

Le français, bien qu'étant la 5e langue la plus parlée au monde et la 3e langue des affaires, fait face à des défis importants en Afrique. Le continent abrite 75% des élèves scolarisés en français dans le monde, mais la croissance démographique et l'appauvrissement des systèmes éducatifs menacent l'avenir de la langue.

Face à ces enjeux, de nombreux observateurs appellent à une réinvention du projet francophone. Aurélien Taché, député français, souligne la nécessité de "démontrer que la francophonie n'est plus un outil d'influence des gouvernements français" et de repenser son rôle dans un monde en mutation.

Alors que le prochain sommet Afrique-France se tiendra à Nairobi, une capitale anglophone, la question de l'avenir de la francophonie et de sa pertinence politique se pose avec acuité. Le défi pour l'OIF sera de trouver un équilibre entre son rôle linguistique et culturel et son ambition d'être un acteur diplomatique influent, tout en restant fidèle à sa devise : "Égalité, complémentarité, solidarité".