L'écologie de guerre : Repenser le lien entre paix, conflit et environnement

Pierre Charbonnier explore dans son nouveau livre le paradoxe entre paix, guerre et écologie. Il remet en question l'idée que la paix est toujours bénéfique pour l'environnement et appelle à un changement de paradigme énergétique.

4 octobre 2024, 11:33  •  28 vues

L'écologie de guerre : Repenser le lien entre paix, conflit et environnement

Dans un monde où les conflits géopolitiques semblent éclipser les préoccupations environnementales, Pierre Charbonnier, chercheur au CNRS et enseignant à Sciences Po, propose une réflexion audacieuse sur les liens entre écologie, guerre et paix. Son ouvrage "Vers l'écologie de guerre" (La Découverte, 324 pages, 23 euros) remet en question nos perceptions traditionnelles.

L'hypothèse centrale de Charbonnier est provocatrice : "La seule chose la plus dangereuse que la guerre pour la nature et le climat, c'est la paix." Cette affirmation surprenante s'appuie sur une analyse historique du "pacte fossile" d'après-guerre. Après 1945, les nations européennes ont scellé leur réconciliation autour de l'exploitation commune des ressources énergétiques, notamment le charbon, le gaz et le pétrole.

Cette "solidarité de production", comme la nommait Robert Schuman, l'un des architectes de l'Union européenne, a effectivement contribué à une stabilité géopolitique et à la croissance économique des "Trente Glorieuses". Cependant, Charbonnier souligne que cette "paix fossile" n'est ni durable ni soutenable. Les modes de production issus de ce pacte sont devenus des instruments de destruction, contribuant dangereusement au réchauffement climatique.

"La paix civile entre États a été obtenue au prix d'une guerre invisible et totale contre les territoires."

Bruno Latour, mentor de Pierre Charbonnier, affirmait :

Le conflit russo-ukrainien de 2022 a marqué un tournant historique, révélant la naïveté stratégique de l'Union européenne face à sa dépendance énergétique envers la Russie. Charbonnier observe que pour Vladimir Poutine, le "doux commerce" énergétique n'était qu'un moyen de pression sur l'Europe, un outil pour construire son impuissance géopolitique.

Cette prise de conscience a conduit les grandes puissances à réaliser, dès 2020, que leur sécurité ne résidait plus dans la sécurisation des infrastructures fossiles, mais dans un changement radical de modèle énergétique. Cette réflexion s'inscrit dans un contexte plus large où l'humanité entre dans l'ère de l'anthropocène, marquée par l'impact significatif de l'homme sur l'écosystème terrestre.

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La transition vers des énergies renouvelables devient ainsi non seulement une nécessité environnementale, mais aussi un impératif de sécurité nationale. L'Union européenne, qui importait environ 40% de son gaz de Russie avant la guerre en Ukraine, se trouve désormais face à un défi majeur : repenser sa stratégie énergétique tout en maintenant sa stabilité économique et politique.

Charbonnier nous invite à reconsidérer le concept de "doux commerce" développé par des penseurs libéraux du XVIIIe siècle comme Montesquieu. Si ce concept supposait que les échanges commerciaux favoriseraient la paix plutôt que la guerre, l'histoire récente montre que les relations énergétiques peuvent aussi être instrumentalisées à des fins géopolitiques.

En conclusion, l'ouvrage de Pierre Charbonnier nous pousse à repenser fondamentalement notre approche de l'écologie, de la paix et de la guerre. Il souligne la nécessité urgente d'une transition vers un modèle énergétique plus durable, non seulement pour préserver notre environnement, mais aussi pour garantir une véritable stabilité géopolitique à long terme.