Les scientifiques face au climat : de la recherche à l'action

Face à l'urgence climatique, les chercheurs délaissent les publications pour l'engagement actif. Cette évolution remet en question le modèle néolibéral de la science et ses valeurs sous-jacentes.

3 octobre 2024, 13:03  •  31 vues

Les scientifiques face au climat : de la recherche à l'action

Face à l'urgence climatique, la communauté scientifique évolue, passant de la simple publication de résultats à un engagement plus actif. Cette transformation, particulièrement visible en Europe, reflète une remise en question profonde du modèle de recherche actuel.

Le 6 avril 2022, les Pays-Bas ont été témoins de leur première marche des scientifiques pour le climat, illustrant cette nouvelle dynamique. Ce mouvement s'inscrit dans un contexte plus large de mobilisation scientifique, initié aux États-Unis en 2017 avec la "Marche pour la Science".

L'adoption de l'agenda de Lisbonne en 2000 a marqué un tournant, visant à faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde d'ici 2010. Cette orientation a cependant suscité des critiques, notamment concernant l'alignement de la recherche sur un modèle néolibéral privilégiant la compétition économique et la souveraineté politique.

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Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe des sciences et professeure émérite à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, souligne que de nombreux chercheurs souhaitent désormais faire évoluer le système de l'intérieur. À l'Inrae, créé en 2020, une pétition a circulé pour une direction plus collective, remettant en question le modèle traditionnel de gestion.

Les jeunes diplômés, en particulier, refusent que leurs travaux servent une agriculture soumise aux intérêts industriels, préférant une approche plus écologique. Cette prise de conscience reflète un désaccord profond avec les orientations prises ces deux dernières décennies.

"La communauté scientifique prend conscience que la science n'est pas neutre, qu'elle est inféodée à des systèmes qui orientent les programmes de recherche."

Bernadette Bensaude-Vincent explique :

Cette remise en question s'étend aux priorités de recherche. Par exemple, l'investissement massif dans l'intelligence artificielle, domaine en pleine expansion depuis 2010, est questionné face à des défis comme la lutte contre la pauvreté ou le changement climatique. La consommation énergétique de l'IA soulève également des préoccupations environnementales.

Le CNRS, l'Inrae et l'Andra, où Bensaude-Vincent siège dans les comités d'éthique, sont au cœur de ces débats. Ces institutions, piliers de la recherche française, doivent aujourd'hui naviguer entre excellence scientifique et responsabilité sociétale.

Cette évolution marque un tournant dans l'histoire des sciences, remettant en question l'idéal de neutralité scientifique longtemps défendu. Elle souligne l'importance croissante des comités d'éthique dans la gouvernance de la recherche, face à des enjeux sociétaux et environnementaux de plus en plus pressants.