La religion au travail : un défi croissant pour les entreprises françaises

L'évolution du fait religieux dans les entreprises françaises est devenue un sujet de préoccupation majeur ces dernières années. Lionel Honoré, professeur de sciences de gestion et directeur adjoint de l'IAE de Brest, a mené une étude approfondie sur cette question, révélant des changements significatifs depuis 2013.

En 2013, Lionel Honoré a créé l'Observatoire du fait religieux en entreprise, marquant le début d'une décennie d'observation et d'analyse. Son ouvrage "Manager la religion au travail", publié en 2023, synthétise ces années de recherche et est finaliste du prix Penser le travail 2024. Cette reconnaissance souligne l'importance croissante du sujet dans le monde professionnel.

L'étude révèle une augmentation frappante des faits religieux en entreprise. En 2023, deux entreprises sur trois sont concernées régulièrement ou occasionnellement, contre seulement une sur quatre en 2013. Cette progression s'explique en partie par les événements de 2015, qui ont modifié la perception de la religion dans la société française.

Lionel Honoré définit un fait religieux comme une situation de travail impliquant des comportements à dimension religieuse ayant un impact sur l'environnement professionnel. Les exemples les plus courants incluent le port de vêtements ou de signes religieux et les demandes d'aménagement du temps de travail pour la pratique religieuse. Plus rarement, on observe des comportements misogynes, des prières pendant le temps de travail, ou le refus d'effectuer certaines tâches.

La liberté religieuse, garantie par la Déclaration universelle des droits de l'homme, est un droit fondamental. Cependant, sa mise en pratique dans le contexte professionnel soulève des défis. La loi française de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, pilier de la laïcité, influence la gestion de ces situations.

Les secteurs les plus touchés sont concentrés dans les grandes métropoles, avec 50% des cas en Île-de-France. Les grandes entreprises, notamment dans la gestion de l'environnement, la grande distribution, le nettoyage, la logistique, le transport et la sécurité, sont particulièrement concernées. Le phénomène touche autant les hommes que les femmes, mais les situations les plus problématiques impliquent souvent des hommes jeunes et peu qualifiés.

La gestion de la diversité religieuse est devenue un enjeu majeur pour les ressources humaines au 21e siècle. Les entreprises s'outillent de plus en plus, formant leurs managers et informant leurs employés. Le concept d'accommodement raisonnable, originaire du Canada, gagne du terrain en France.

Cependant, des défis persistent. Les managers de proximité hésitent souvent à faire remonter les situations délicates aux ressources humaines, craignant des complications. De plus, la pandémie de COVID-19 a soulevé de nouvelles questions sur la pratique religieuse au travail, notamment dans le contexte du télétravail.

L'impact économique de la gestion de la diversité religieuse en entreprise fait l'objet d'études récentes. Certaines entreprises ont mis en place des chartes de la diversité incluant la dimension religieuse, reconnaissant l'importance de cette question pour la cohésion sociale et la performance économique.

En conclusion, la gestion du fait religieux en entreprise est un défi complexe mais incontournable pour les organisations françaises. Elle nécessite une approche équilibrée, respectant à la fois la liberté religieuse des individus et les impératifs professionnels.

"Un fait religieux est une situation de travail où il y a des comportements et des faits qui ont une dimension religieuse, avec un impact sur la situation de travail."

Cette définition souligne la complexité du sujet et la nécessité d'une gestion nuancée et informée dans les entreprises françaises.