Ennahda : Un parti tunisien face à une répression croissante

Le parti islamo-conservateur Ennahda subit une répression intense en Tunisie. Ses dirigeants sont emprisonnés ou exilés, tandis que le régime de Kaïs Saïed intensifie la pression avant l'élection présidentielle.

2 octobre 2024, 20:04  •  0 vues

Ennahda : Un parti tunisien face à une répression croissante

Le parti islamo-conservateur Ennahda, acteur majeur de la scène politique tunisienne depuis sa fondation en 1981, traverse actuellement une période de forte répression. Cette formation politique, qui a joué un rôle crucial dans la transition démocratique après la révolution de 2011, se trouve aujourd'hui dans une situation précaire.

Depuis que le président Kaïs Saïed s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021, de nombreux membres d'Ennahda ont été contraints à l'exil ou emprisonnés. Le cas d'Ahmed Gaâloul, ancien ministre et membre du bureau exécutif du parti, illustre cette situation. À 58 ans, il vit son deuxième exil à Londres, ayant quitté la Tunisie en février 2022 après avoir été interdit de sortie du territoire en décembre 2021.

La répression s'est intensifiée au fil des mois. En décembre 2022, Ali Larayedh, ancien premier ministre et vice-président d'Ennahda, a été placé en détention. Deux mois plus tard, en février 2023, Noureddine Bhiri, ancien ministre de la justice, a été arrêté. Le coup le plus dur est survenu en avril 2023 avec l'arrestation de Rached Ghannouchi, leader historique et co-fondateur du parti.

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"La stratégie du régime semble être de neutraliser les capacités d'Ennahda en vue de l'élection présidentielle. Ils craignent que le parti, qui n'a pas donné de consignes de vote, active sa machine pour faire élire un autre candidat."

Déclaration d'Ennahda sur les arrestations récentes

Cette vague de répression rappelle les périodes sombres qu'Ennahda a connues sous les régimes de Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali, où le parti était condamné à la clandestinité. Cependant, la situation actuelle présente des caractéristiques uniques. Le ministère de l'Intérieur a ordonné la fermeture du siège d'Ennahda et de tous ses bureaux en Tunisie, tandis que les comptes bancaires du mouvement ont été gelés.

Plus récemment, en septembre 2023, à l'approche de l'élection présidentielle prévue pour le 6 octobre 2024, Ennahda a dénoncé l'arrestation d'une centaine de militants, y compris des femmes et des personnes âgées. Cette extension de la répression aux militants de base marque une nouvelle étape dans la stratégie du régime.

Il est important de noter qu'Ennahda, malgré ses difficultés actuelles, a une histoire complexe en Tunisie. Le parti a remporté les élections de l'Assemblée constituante en 2011 et a participé à plusieurs gouvernements de coalition jusqu'en 2021. Il s'est officiellement défini comme un parti musulman démocrate et a renoncé à l'islamisme politique en 2016.

Cependant, Ennahda a également fait l'objet de critiques, notamment pour sa gestion économique et sécuritaire lorsqu'il était au pouvoir. Le parti a été accusé d'avoir des liens avec le terrorisme, ce qu'il a toujours fermement nié. Il a également reconnu et s'est excusé pour des actes de violence politique dans les années 1990.

La situation actuelle d'Ennahda soulève des questions sur l'avenir de la démocratie en Tunisie. Alors que le pays se prépare pour l'élection présidentielle, la répression croissante contre ce parti majeur de l'opposition suscite des inquiétudes quant à l'équité du processus électoral et à la liberté politique dans le pays.