Duo libanais au Festival d'automne : l'art face à la réalité du conflit

Lina Majdalanie et Rabih Mroué, metteurs en scène libanais, présentent leur rétrospective au Festival d'automne à Paris. Leur art, centré sur le Liban, se trouve confronté à l'actualité brûlante des bombardements dans leur pays d'origine.

10 octobre 2024, 05:07  •  0 vues

Duo libanais au Festival d'automne : l'art face à la réalité du conflit

Le Festival d'automne à Paris, événement culturel majeur créé en 1972, accueille cette année une rétrospective du travail de Lina Majdalanie et Rabih Mroué, duo de metteurs en scène libanais. Ce couple d'artistes, âgés respectivement de 58 et 57 ans, est reconnu pour son approche novatrice du théâtre, explorant l'histoire complexe du Liban et ses conflits récurrents.

Leur invitation au festival, il y a deux ans, témoigne de l'importance de leur contribution à l'art contemporain. Francesca Corona, directrice artistique du festival, souligne l'unicité de leurs propositions artistiques. Depuis leurs débuts dans les années 2000, Majdalanie et Mroué ont constamment puisé dans leur héritage libanais, un pays riche de 18 communautés religieuses reconnues et d'une tradition théâtrale influencée par les cultures arabe et occidentale.

La programmation prévoit quatorze spectacles différents, dont deux créations inédites, jusqu'en décembre 2024. Ces œuvres reflètent la diversité de leur approche, alliant fiction classique, performances expérimentales et "conférences non académiques". Leur art, comme celui de nombreux artistes libanais contemporains, mêle tradition et modernité, témoignant de l'histoire complexe du pays.

Image

Cependant, le 23 septembre 2024, la réalité a brutalement rattrapé l'art. L'offensive israélienne au sud du Liban a créé un télescopage saisissant entre la scène et l'actualité. Ce conflit s'inscrit dans une longue histoire de tensions israélo-libanaises, remontant à 1948. Les artistes se retrouvent dans une situation paradoxale, évoquant chaque soir sur scène un pays bombardé à 4 000 kilomètres de là.

Majdalanie et Mroué décrivent cette expérience comme "violente, évidemment violente". Ils passent leurs journées à suivre les nouvelles du Liban, pays qui, malgré sa petite taille (comparable à la Gironde), occupe une place importante sur la scène internationale. Le soir, ils montent sur scène, créant un moment de suspension où "le temps s'arrête".

Cette situation rappelle la résilience du peuple libanais, qui a déjà traversé de nombreuses épreuves, dont une guerre civile dévastatrice de 1975 à 1990 et plus récemment, l'explosion tragique du port de Beyrouth en 2020. L'art de Majdalanie et Mroué devient ainsi un témoignage vivant de la capacité de l'expression artistique à transcender les frontières et à donner voix aux expériences humaines les plus complexes.

"Traiter du Liban comme sujet nous a procuré de la joie et de la douleur. C'est ce dont nous savons parler. Nous nous sentons légitimes"

Lina Majdalanie et Rabih Mroué expliquent

Leur travail s'inscrit dans un contexte plus large de la diaspora libanaise, estimée à environ 14 millions de personnes dans le monde, qui contribue à diffuser la culture libanaise à l'international. Malgré les défis, y compris une grave crise économique depuis 2019, l'art libanais continue de rayonner, porté par des voix comme celles de Majdalanie et Mroué.

Le Festival d'automne présente également le travail d'autres artistes liés au Liban, comme Lawrence Abu Hamdan et Ali Cherri, soulignant la richesse et la diversité de la scène artistique libanaise contemporaine. Ces créations offrent un regard unique sur un pays qui, malgré sa taille modeste, continue de fasciner par sa complexité culturelle et historique.