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Vaste opération contre le trafic de pentobarbital en France

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Une enquête massive sur le trafic présumé de pentobarbital a conduit à des perquisitions dans toute la France. L'association Ultime Liberté, militant pour le suicide assisté, est au cœur de l'affaire.

Le 15 octobre 2019, une opération policière d'envergure a secoué la France, marquant un tournant dans le débat sur la fin de vie. Environ 300 officiers de police judiciaire ont mené des perquisitions simultanées dans 18 régions françaises, ciblant près de 150 domiciles. Cette action, dirigée par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), s'inscrivait dans le cadre d'une enquête sur un possible trafic de pentobarbital.

Le pentobarbital, un barbiturique interdit à la vente en France depuis 1996, est connu pour son utilisation dans l'euthanasie et le suicide assisté. Bien que toujours employé en médecine vétérinaire, son usage chez l'homme est strictement réglementé. L'enquête a révélé que parmi les personnes visées, 36 étaient déjà décédées au moment des perquisitions, soulignant la gravité de la situation.

Les investigations ont mis en lumière un profil particulier des acheteurs présumés : majoritairement âgés de plus de 70 ans, souvent d'anciens soignants ou retraités de professions intellectuelles. Plus de la moitié d'entre eux étaient membres de l'association Ultime Liberté, fondée en 2009 par d'anciens adhérents de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).

Ultime Liberté, comptant plus de 3 000 membres, milite activement pour la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie volontaire. Cette association est née d'une volonté d'aller plus loin que l'ADMD, jugée trop restrictive dans son approche politique. Il est important de noter que l'ADMD, créée en 1980, a longtemps été à l'avant-garde du débat sur la fin de vie en France.

Le 20 février suivant, treize dirigeants et sympathisants d'Ultime Liberté ont été renvoyés devant la justice pour diverses infractions liées à l'acquisition, la détention et l'importation illégales de substances contrôlées. Parmi eux, Guy L., responsable de l'antenne de Grenoble, a également été mis en examen avec son épouse pour avoir tenté d'aider une femme de 91 ans à se suicider.

Cette affaire soulève des questions éthiques et légales complexes. En France, l'euthanasie active reste illégale et passible de 30 ans de réclusion criminale. La loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise la sédation profonde et continue jusqu'au décès, mais ne va pas jusqu'à légaliser le suicide assisté.

"Cela illustre parfaitement le malaise de l'institution judiciaire face à un sujet aussi sensible. Elle est très largement dépassée par la situation et n'a pas le courage de constater que ces comportements militants ne relèvent pas de la loi pénale."

Me Arnaud Levy-Soussan, avocat d'Ultime Liberté

Cette affaire s'inscrit dans un contexte européen où les législations sur la fin de vie varient considérablement. Alors que des pays comme les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont légalisé l'euthanasie, et que la Suisse autorise le suicide assisté depuis 1942, la France continue de débattre sur ces questions.

L'Organisation mondiale de la santé estime qu'il y a environ 800 000 suicides par an dans le monde, avec un taux particulièrement élevé en France. Ces chiffres soulignent l'importance d'un débat approfondi sur la fin de vie et les soins palliatifs.

Alors que le Comité consultatif national d'éthique et le Conseil d'État continuent de se pencher sur ces questions, l'affaire Ultime Liberté met en lumière le fossé entre la législation actuelle et les aspirations d'une partie de la population française en matière de fin de vie.