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Restitution des crânes sakalava : Un pas vers la réconciliation franco-malgache

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Un comité scientifique franco-malgache a été formé pour faciliter le retour de trois crânes sakalava à Madagascar. Cette initiative marque une étape importante dans le processus de réparation historique entre les deux nations.

Le 3 octobre 2024, un moment historique s'est produit dans les relations franco-malgaches avec l'installation d'un comité scientifique conjoint chargé d'étudier la restitution de trois crânes sakalava à Madagascar. Cette démarche s'inscrit dans un processus plus large de réconciliation et de réparation des blessures du passé colonial.

Rachida Dati, ministre française de la Culture, et son homologue malgache Volamiranty Donna Mara, ont présidé la cérémonie d'installation de ce comité. Composé d'historiens, de spécialistes du patrimoine, de diplomates et de représentants des descendants du roi Toera, ce groupe aura pour mission de déterminer les conditions de retour de ces restes humains, actuellement conservés au Muséum national d'histoire naturelle de Paris.

Cette initiative s'appuie sur une loi adoptée en décembre 2023, visant à faciliter la restitution de restes humains collectés dans des conditions indignes durant la période coloniale. Elle déroge au principe d'inaliénabilité des collections publiques, en vigueur depuis 2002.

"Les restitutions sont l'enjeu d'un apaisement des mémoires entre la France et ses partenaires africains."

Emmanuel Macron, Président de la République française

L'histoire derrière ces crânes remonte à la nuit du 29 au 30 août 1897, lors de l'attaque du village royal d'Ambiky par les troupes coloniales françaises. Cet événement, qui a fait entre 100 et 5 000 victimes selon les sources, a profondément marqué la mémoire collective des Sakalava. Parmi les victimes se trouvait le roi Toera, dont la tête fut prélevée comme trophée, ainsi que celles de deux de ses soldats.

Le processus d'identification de ces restes s'est avéré complexe. Des analyses ADN ont été tentées en 2018, mais la qualité insuffisante des échantillons n'a pas permis une identification certaine. Les recherches historiques, notamment celles de l'historienne Klara Boyer-Rossol, ont joué un rôle crucial dans la localisation de ces restes au sein des collections du Muséum.

Pour le peuple malgache, et en particulier pour les Sakalava, cette restitution revêt une importance capitale. Joe Kamamy, descendant du roi Toera, souligne que "depuis 127 ans, c'est une blessure qui ne s'est pas refermée". Sur les douze souverains de la dynastie, Toera est le seul dont les reliques n'ont pu être rassemblées.

Cette démarche s'inscrit dans un contexte plus large de diplomatie culturelle et de réexamen des relations post-coloniales. Elle fait suite au transfert de la couronne du dais de la reine Ranavalona III en novembre 2020, bien que ce transfert nécessite encore une loi pour être définitif.

Le président malgache Andry Rajoelina s'est personnellement investi dans ce chantier mémoriel. Cependant, d'autres questions diplomatiques restent en suspens, notamment celle des îles Éparses, territoire français de l'océan Indien revendiqué par Madagascar.

Cette initiative de restitution témoigne d'une évolution dans la manière dont les nations abordent leur passé colonial. Elle soulève des questions éthiques complexes sur la conservation des restes humains dans les musées et sur la manière de réparer les traumatismes historiques qui persistent sur plusieurs générations.

Alors que le comité entame ses travaux, aucune date n'a encore été fixée pour la restitution effective. Néanmoins, cette démarche marque un pas important vers la reconnaissance des blessures du passé et la construction d'un avenir basé sur le respect mutuel entre la France et Madagascar.