La réglementation européenne sur les produits issus de la déforestation (RDUE) suscite un vif débat dans le secteur du cacao. Une réunion cruciale s'est tenue le 26 septembre 2024 à Abidjan, au siège de l'Organisation internationale du cacao (ICCO), rassemblant une cinquantaine d'industriels et de représentants de pays importateurs et exportateurs.
Les pays exportateurs, menés par la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial, ont exprimé une demande commune : reporter de deux ans l'entrée en vigueur de la RDUE, initialement prévue pour fin janvier 2025. Cette requête est soutenue par d'autres grands producteurs tels que le Brésil, l'Indonésie et le Cameroun.
"Les délais sont irréalistes au regard des exigences du règlement, allant de la géolocalisation de toutes les parcelles à I'établissement d'un système de traçabilité exhaustif, système qui n'est toujours pas opérationnel à moins de cent jours de la date de mise en œuvre."
En réponse, la Commission européenne a proposé le 2 octobre 2024 un report de douze mois, reconnaissant les défis de préparation pour les partenaires internationaux.
La RDUE, votée au printemps 2023, vise à interdire l'importation de produits provenant de plantations créées dans des espaces forestiers après 2020. Cette mesure affecte non seulement le cacao, mais aussi le bois, l'hévéa et le soja. Elle exige la mise en place de systèmes nationaux de traçabilité (SNT) dans chaque pays producteur.
La mise en œuvre de cette réglementation pose des défis considérables. En Côte d'Ivoire, moins de 800 coopératives de cacao sur 2000 ont été agréées au SNT à trois mois de l'échéance initiale. Les pays producteurs s'inquiètent également des implications du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) pour les petits producteurs.
Michel Arrion, directeur de l'ICCO, soulève des questions cruciales sur les coûts de mise en conformité pour les planteurs. Il s'interroge sur la nature ponctuelle ou récurrente de ces investissements et leur impact sur les prix de vente.
Malgré le feu vert de la Commission européenne pour un report, le débat n'est pas clos. Le Conseil et le Parlement européens doivent encore examiner cette proposition dans les semaines à venir. Les organisations environnementales plaideront probablement pour des actions immédiates en faveur de la préservation des forêts.
Ce débat met en lumière la complexité des enjeux liés à la production de cacao, un secteur qui emploie environ 6 millions de personnes en Afrique de l'Ouest. La réglementation vise à lutter contre la déforestation, un problème majeur en Côte d'Ivoire où plus de 80% de la forêt tropicale a disparu depuis 1960. Cependant, elle soulève des questions sur l'équilibre entre protection de l'environnement et développement économique des pays producteurs.