L'histoire de l'industrialisation est souvent associée aux machines à vapeur et au charbon. Cependant, une source d'énergie cruciale a longtemps été négligée : la force animale. François Jarrige, historien spécialiste de l'industrialisation, met en lumière le rôle essentiel des animaux dans le développement industriel du XIXe siècle.
Contrairement à l'idée d'une substitution linéaire des sources d'énergie, l'histoire énergétique est plutôt une accumulation symbiotique. Le XIXe siècle, loin d'être uniquement le "siècle du charbon", a vu une utilisation accrue des animaux parallèlement au développement des énergies fossiles.
Les chevaux, domestiqués depuis environ 8000 ans, ont connu une démocratisation massive au XIXe siècle. Auparavant réservés à la guerre et au transport des élites, ils sont devenus indispensables dans l'agriculture, le transport urbain et rural, et même dans les usines et les mines. Leur force était utilisée pour diverses tâches, de la traction au broyage des matières.
Les chiens, domestiqués il y a environ 15 000 ans, ont également joué un rôle important. Ils étaient utilisés pour actionner de petites machines, remplaçant souvent le travail des enfants et des domestiques dans certains métiers artisanaux.
Le traitement des animaux de travail a évolué au fil du temps. Bien que considérés comme un capital précieux, leur bien-être a progressivement suscité des préoccupations. La création de la Société protectrice des animaux en 1845 témoigne de cette prise de conscience croissante.
"Vers 1830, des médecins constatent que, dans les usines, les ouvriers travaillent dix à douze heures par jour – ce qu'ils dénoncent –, les chevaux pas plus de six heures."
L'utilisation des animaux a varié selon les secteurs et les époques. Dans les mines, par exemple, les chevaux sont passés de la surface aux galeries souterraines avec l'arrivée des machines à vapeur. Leur utilisation dans l'agriculture européenne a perduré jusqu'au début du XXe siècle.
L'énergie animale a joué un rôle crucial dans l'accumulation capitalistique et l'intensification de la production. Elle a créé les conditions nécessaires à l'adoption ultérieure des énergies fossiles à grande échelle. En 1900, New York comptait environ 3 millions de chevaux de travail, illustrant l'importance de cette force de travail.
Cette histoire peut nous inspirer dans notre réflexion sur la transition énergétique actuelle. Bien que l'énergie animale ne puisse pas remplacer entièrement les énergies fossiles, elle pourrait avoir un rôle à jouer dans un mix énergétique plus diversifié et durable.
En 2023, les énergies renouvelables représentaient environ 29% de la production mondiale d'électricité. La transition vers une économie décarbonée nécessitera une approche multifacette, incluant peut-être une réintégration réfléchie de l'énergie animale dans certains secteurs.
L'histoire de l'énergie animale nous rappelle que la transition énergétique n'est pas un processus linéaire, mais une évolution complexe impliquant diverses sources d'énergie. Elle nous invite à repenser notre relation avec les animaux et notre approche de l'énergie dans un monde en quête de durabilité.