Marseille : Une réputation criminelle remise en question

Une historienne analyse la réputation de "capitale du crime" de Marseille du XIXe siècle aux années 1940, remettant en question cette image à travers une étude approfondie des sources historiques et culturelles.

7 octobre 2024, 06:05  •  0 vues

Marseille : Une réputation criminelle remise en question

Dans son ouvrage "Marseille, « capitale du crime » ?", l'historienne Laurence Montel remet en question la réputation sulfureuse de la cité phocéenne. Cette étude minutieuse couvre la période allant du début du XIXe siècle jusqu'aux années 1940, examinant l'évolution de la criminalité et de sa perception dans la ville.

Montel s'appuie sur une analyse approfondie de sources policières, judiciaires et culturelles pour déconstruire l'image de Marseille comme repaire de malfrats. Elle explore comment cette réputation s'est forgée au fil du temps, influencée par les médias et la littérature de l'époque. Il est intéressant de noter que Marseille, fondée vers 600 av. J.-C. par des marins grecs de Phocée, est le plus ancien établissement urbain de France, avec une histoire riche et complexe qui va bien au-delà de son image criminelle.

L'auteure met en lumière l'impact des changements économiques et sociaux sur la perception de la criminalité à Marseille. À partir des années 1850, la croissance spectaculaire du port - aujourd'hui le premier de France et le deuxième de Méditerranée - a entraîné une augmentation de la population ouvrière, suscitant l'inquiétude de la bourgeoisie locale. Cette évolution a coïncidé avec l'arrivée de vagues successives d'immigrants, contribuant à façonner le tissu social de la ville.

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La figure du "nervi" marseillais émerge comme un symbole de cette période. Initialement perçu comme un personnage méridional tapageur mais sympathique, il devient progressivement associé à la criminalité et à la violence, reflétant les préjugés envers la jeunesse ouvrière, particulièrement d'origine étrangère. Cette évolution de perception s'inscrit dans un contexte plus large où Marseille a accueilli de nombreuses vagues d'immigration au fil des siècles, contribuant à sa diversité culturelle actuelle.

Au début du XXe siècle, l'image de Marseille comme ville dangereuse s'ancre dans le discours public. Cette réputation justifie l'intervention directe de l'État, réclamée par les notables locaux contre la municipalité socialiste. Les années 1930 marquent l'apogée de cette narration, avec une multiplication des règlements de comptes et des vols à main armée. Cependant, Montel souligne que cette situation n'était guère différente de celle d'autres grandes villes françaises, notamment Paris.

Il est important de noter que malgré cette réputation tenace, Marseille a continué à se développer et à s'enrichir culturellement. La ville a été Capitale européenne de la culture en 2013, mettant en valeur son patrimoine unique, dont le Vieux-Port, symbole emblématique, et la basilique Notre-Dame-de-la-Garde qui domine la ville depuis le XIXe siècle.

L'étude de Laurence Montel nous invite à reconsidérer l'image de Marseille au-delà des stéréotypes. Elle nous rappelle que la deuxième ville la plus peuplée de France possède une identité complexe, façonnée par son histoire millénaire, sa position de carrefour méditerranéen et sa riche diversité culturelle. De la bouillabaisse au savon de Marseille, en passant par l'Olympique de Marseille et les Calanques, la cité phocéenne offre bien plus que son image de "capitale du crime".