Le blasphème : un concept controversé à travers les âges

L'historien Gerd Schwerhoff explore l'évolution du blasphème, de l'Antiquité à nos jours. Son analyse révèle les complexités de ce concept et son impact persistant sur les sociétés modernes.

29 septembre 2024, 15:08  •  14 vues

Le blasphème : un concept controversé à travers les âges

Le blasphème, loin d'être un vestige du passé, demeure un sujet brûlant dans nos sociétés occidentales. Les événements tragiques tels que les attentats contre Charlie Hebdo il y a près de 10 ans, l'assassinat de Samuel Paty il y a 4 ans, et la tentative d'assassinat de Salman Rushdie il y a 2 ans, ainsi que les récentes controverses liées aux Jeux olympiques de Paris, prévus dans moins d'un an, en témoignent.

Gerd Schwerhoff, historien allemand et professeur à l'université technique de Dresde, apporte un éclairage précieux sur ce sujet dans son ouvrage "Dieux maudits. L'histoire du blasphème". Il souligne qu'il n'existe pas de définition universelle du blasphème, celle-ci variant selon les cultures et les époques.

Le concept de blasphème trouve ses racines dans le monothéisme. Contrairement au polythéisme antique où les dieux pouvaient être ridiculisés, le monothéisme a introduit une exigence inconditionnelle de fidélité à la foi. Dans la Bible, le Décalogue interdit de "prononcer à tort le nom de Dieu", et le Lévitique prescrit la lapidation pour les blasphémateurs.

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Dans la conception chrétienne, le blasphème était considéré comme une atteinte à l'honneur de Dieu, de Marie ou des saints. Cette notion d'honneur, centrale dans les sociétés médiévales, impliquait que le Créateur réagissait de manière humaine à l'offense, menaçant de punir toute la communauté par des calamités.

Les dirigeants chrétiens, craignant la colère divine, ont historiquement puni sévèrement le blasphème. L'empereur Justinien, au VIe siècle, fut le premier à menacer de mort les blasphémateurs. Saint Louis, au XIIIe siècle, suivit cette voie en France.

Il est intéressant de noter que la perception du blasphème a considérablement évolué au fil du temps. Par exemple, l'Angleterre et le Pays de Galles ont aboli leurs lois sur le blasphème en 2008, tandis que le dernier procès pour blasphème en France remonte à 1951. Cependant, dans certains pays, notamment musulmans, le blasphème reste un crime grave.

La question du blasphème soulève des débats complexes sur la liberté d'expression. La fatwa contre Salman Rushdie pour son livre "Les Versets sataniques", émise il y a 35 ans, a déclenché des discussions mondiales sur les limites de cette liberté. Plus récemment, l'affaire des caricatures de Mahomet au Danemark en 2005 a ravivé ces débats.

Il est crucial de noter que la Déclaration universelle des droits de l'homme protège la liberté d'expression, sans mentionner spécifiquement le blasphème. Cette omission reflète la complexité de concilier la liberté d'expression avec le respect des croyances religieuses.

L'UNESCO propose une approche alternative en promouvant le dialogue interculturel comme moyen de résoudre les tensions liées au blasphème. Cette approche vise à favoriser la compréhension mutuelle plutôt que la répression légale.

En conclusion, l'histoire du blasphème, telle que présentée par Schwerhoff, révèle un concept en constante évolution, reflétant les changements sociaux et culturels à travers les âges. Bien que sa définition et son traitement aient considérablement changé, le blasphème reste un sujet de débat crucial dans nos sociétés modernes, mettant en lumière les tensions entre liberté d'expression et respect des croyances religieuses.