La science des villes : défis de définition et de mesure

La complexité de définir et mesurer les villes pose des défis pour la science urbaine. Les comparaisons internationales sont compliquées par des définitions variables, comme le montre le cas de la Chine.

9 octobre 2024, 12:31  •  0 vues

La science des villes : défis de définition et de mesure

La science urbaine a connu une évolution significative ces dernières décennies, reflétant la complexité croissante de nos environnements urbains. Bien que chacun ait une compréhension intuitive de ce qu'est une ville, les scientifiques peinent à s'accorder sur une définition précise. Cette difficulté souligne la nature multidimensionnelle des villes, nécessitant une approche interdisciplinaire pour appréhender leur développement et anticiper leur avenir.

Les villes existent depuis environ 9000 ans, avec Jéricho en Palestine considérée comme la plus ancienne ville encore habitée. Au cours de leur longue histoire, elles ont démontré une remarquable capacité d'adaptation. Cependant, leur avenir soulève de nombreuses questions. Sommes-nous condamnés à la vision apocalyptique d'une "planète de bidonvilles" décrite par l'historien et géographe américain Mike Davis en 2005 ? Faut-il freiner la concentration urbaine ou, au contraire, encourager le développement de grandes métropoles, potentiellement plus productives et écologiques ?

Dans le contexte actuel des "villes intelligentes", concept émergé dans les années 2000, la précision des mesures devient cruciale. La manière dont nous définissons et mesurons les villes influence directement notre compréhension de leur dynamique. L'évolution de la taille des villes présente des régularités fascinantes, comme l'illustre la loi de Zipf, découverte en 1949, qui décrit la distribution de la population urbaine.

Certaines anomalies sont bien connues, comme le cas de Paris, dont la taille disproportionnée s'explique par une centralisation étatique précoce et persistante. Plus récemment, le "scandale" de Chongqing, brièvement désignée comme la plus grande ville du monde en incluant la population de toute sa province, a mis en lumière les problèmes de définition.

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La situation en Chine illustre parfaitement ces défis. La plupart des études scientifiques sur les villes chinoises se basent sur les 283 "villes-préfectures" ou, au maximum, les 657 entités officiellement désignées comme villes. Cette approche suggère que la Chine, avec près d'1,5 milliard d'habitants, n'aurait que 657 villes. En comparaison, les États-Unis, quatre fois moins peuplés, comptent environ 900 agglomérations de plus de 10 000 habitants, tandis que l'Europe, deux fois moins peuplée que la Chine, en recense environ 5 000.

Cette disparité soulève des questions importantes sur la définition et la mesure des villes à l'échelle mondiale. Elle met en évidence la nécessité d'une approche plus nuancée et standardisée pour comprendre véritablement l'urbanisation globale. En effet, depuis 2024, plus de 55% de la population mondiale vit dans des zones urbaines, soulignant l'importance cruciale d'une compréhension précise de ces environnements.

"The cities of the future, rather than being made out of glass and steel as envisioned by earlier generations of urbanists, are instead largely constructed out of crude brick, straw, recycled plastic, cement blocks, and scrap wood."

**Mike Davis, dans "Planet of Slums" (2005)

Cette citation de Davis met en lumière le contraste saisissant entre les visions futuristes des urbanistes et la réalité souvent précaire de l'urbanisation rapide dans de nombreuses régions du monde. Elle souligne l'urgence d'une approche plus équitable et durable du développement urbain, un défi majeur pour la science des villes au 21e siècle.