Dharavi : le bidonville convoité au cœur de Mumbai

Au cœur de Mumbai, Dharavi, le plus grand bidonville d'Asie, fait l'objet d'une intense convoitise immobilière. Cette situation reflète l'histoire complexe et les inégalités croissantes de la mégapole indienne.

22 septembre 2024, 07:34  •  687 vues

Dharavi : le bidonville convoité au cœur de Mumbai

Dans le cœur palpitant de Mumbai, anciennement connue sous le nom de Bombay, se trouve Dharavi, souvent considéré comme le plus grand bidonville d'Asie. Ce quartier, rendu célèbre par des films comme "Slumdog Millionaire", est bien plus qu'un simple décor de cinéma. Avec une densité de population stupéfiante de 270 000 habitants au kilomètre carré, Dharavi est un microcosme d'activité économique et de vie communautaire.

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Chaque foyer de Dharavi abrite son propre atelier, transformant le quartier en une ruche bourdonnante d'activité. On y trouve des artisans travaillant le cuir, confectionnant des ceintures, cousant des sacs banane ou emballant des biscuits. Cette économie informelle mais dynamique génère un chiffre d'affaires annuel estimé à plus d'un milliard de dollars, faisant de Dharavi un véritable moteur économique au sein de Mumbai.

Cependant, cette vitalité économique et l'emplacement stratégique de Dharavi au cœur de la péninsule de Mumbai ont attisé la convoitise des promoteurs immobiliers et des grands groupes capitalistes. Depuis deux décennies, sous couvert de projets de "redéveloppement", ces acteurs cherchent à s'approprier ces terrains précieux.

Cette situation s'inscrit dans un contexte plus large de transformation urbaine et économique de Mumbai. Depuis le début des années 1990, la mise en œuvre de politiques économiques néolibérales a entraîné un développement considérable du secteur tertiaire, notamment du capitalisme financier. Cette évolution a exacerbé les inégalités au sein de la population urbaine et alimenté une spéculation immobilière effrénée.

En l'espace de quelques années, les prix de l'immobilier à Mumbai ont été multipliés par cinq ou six, propulsant la ville au rang des métropoles les plus chères du monde en 1996. Cette flambée des prix a profondément modifié le paysage urbain : les anciens bâtiments bas ont cédé la place à d'imposantes tours de béton et de verre, abritant des logements de luxe.

Cette transformation architecturale a non seulement altéré la physionomie de la ville, mais a également eu un impact environnemental significatif. Les nouveaux immeubles, dépendants de la climatisation pendant la saison chaude, ont considérablement augmenté la consommation énergétique de la ville.

Paradoxalement, malgré cette modernisation apparente, près de la moitié de la population de Mumbai, soit 5 à 6 millions de personnes, vivait toujours dans des bidonvilles au début des années 2000. Ces espaces précaires n'occupaient que 6% de la surface de la ville, illustrant de manière frappante les inégalités persistantes.

Pour comprendre pleinement la situation actuelle de Mumbai, il est essentiel de remonter dans son histoire. La ville, qui n'était qu'un lieu d'implantations mineures à l'époque précoloniale, a connu un essor spectaculaire dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce développement était le fruit du dynamisme de son port, devenu un rouage essentiel du capitalisme colonial britannique, et de l'émergence d'une industrie textile du coton financée principalement par des capitaux indiens.

"Lieu d'implantations mineures durant la période précoloniale, la ville de Bombay prit véritablement son essor durant la seconde moitié du XIXe siècle, sous l'effet conjoint du dynamisme de son port devenu un des rouages principaux du capitalisme colonial britannique et du développement d'une industrie textile du coton financée essentiellement par du capital indien."

L'héritage colonial de Mumbai

Aujourd'hui, Mumbai continue de jouer un rôle central dans l'économie indienne. La ville abrite la Bourse de Bombay et produit 6,16% du PIB total de l'Inde. Elle est également le siège de l'industrie cinématographique de Bollywood et compte plus de 100 milliardaires, le plus grand nombre en Inde.

Cependant, les contrastes demeurent saisissants. Alors que le parc national de Sanjay Gandhi, le plus grand parc urbain du monde, offre un poumon vert à la ville, des quartiers comme Dharavi continuent de lutter pour leur survie face à la pression immobilière.

L'avenir de Dharavi et d'autres quartiers similaires reste incertain. Alors que le développement économique de Mumbai se poursuit, la question de l'équilibre entre croissance et équité sociale reste plus que jamais d'actualité.