Débat sur les droits de succession en France : entre impopularité et inégalités

Les droits de succession en France suscitent la controverse. Bien qu'impopulaires, ils ne touchent qu'une minorité de contribuables. Le débat sur leur réforme persiste, opposant allègement fiscal et lutte contre les inégalités.

1 octobre 2024, 03:05  •  0 vues

Débat sur les droits de succession en France : entre impopularité et inégalités

Les droits de succession en France sont au cœur d'un débat complexe, mêlant perception publique et réalités économiques. Souvent qualifiés d'"impôt sur la vertu" ou de "taxe sur la mort", ces droits suscitent une forte opposition au sein de la population française.

Un sondage Odoxa pour Challenges, publié il y a environ 18 mois, révélait que 84% des Français souhaitaient une transmission maximale du patrimoine aux enfants, tandis que 77% jugeaient cet impôt injustifié. Cette tendance confirme une étude antérieure d'OpinionWay pour Les Echos, indiquant que 81% des Français s'opposaient à une augmentation des droits de succession.

Cependant, la réalité de ces droits est plus nuancée. Selon l'Insee, en 2018, seuls 14,6% des parents transmettaient des héritages supérieurs à 100 000 euros, seuil à partir duquel l'impôt sur les successions s'applique. Cette faible proportion soulève des questions sur l'impact réel de ces droits sur la population.

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L'héritage joue un rôle crucial dans la répartition du patrimoine en France. Actuellement, 60% du patrimoine provient d'héritages, contre 35% au début des années 1970. Cette tendance, observée dans de nombreux pays développés, semble particulièrement prononcée en France.

La distribution inégale du patrimoine hérité soulève des inquiétudes. Alors que 50% des Français hériteront de moins de 70 000 euros, le 1% des bénéficiaires les plus favorisés reçoivent en moyenne 4,2 millions d'euros nets de droits. Cette disparité alimente le débat sur l'égalité des chances et la justice sociale.

"L'héritage porte en lui le risque d'un dérèglement profond de l'égalité des chances, valeur cardinale des sociétés démocratiques et condition de leur possibilité d'existence à long terme."

Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais et Stefanie Stantcheva, dans une note du Conseil d'analyse économique

Le débat sur la réforme des droits de succession est récurrent. Certains proposent leur suppression, à l'instar de la Suède il y a 20 ans, tandis que d'autres préconisent une taxation plus lourde des gros héritages. Le gouvernement français envisage des allègements, notamment en augmentant les abattements pour les successions en ligne directe et indirecte.

La complexité du système fiscal français en matière de succession est notable. Le pacte Dutreil, par exemple, offre des allègements fiscaux pour la transmission d'entreprises familiales. L'assurance-vie bénéficie également d'un régime fiscal avantageux, illustrant la diversité des dispositifs existants.

La comparaison internationale révèle des approches variées. Certains pays, comme le Portugal, n'ont pas de droits de succession, tandis que d'autres, comme le Royaume-Uni, appliquent un taux unique élevé au-delà d'un certain seuil. L'Allemagne, quant à elle, utilise un système progressif avec des taux allant jusqu'à 50%.

En France, les droits de succession représentent environ 1% des recettes fiscales de l'État. Cependant, leur impact sur la redistribution du patrimoine et la lutte contre les inégalités reste un sujet de débat. L'augmentation du montant moyen des successions, plus rapide que l'inflation ces dernières décennies, accentue ces questions.

La troisième édition des Rencontres de la fiscalité abordera ces enjeux cruciaux, réunissant experts et décideurs pour discuter de l'avenir des droits de succession en France. Les discussions porteront sur la comparaison internationale, la pertinence du dispositif Dutreil et les pistes de réforme potentielles.

Alors que le débat se poursuit, il est clair que la question des droits de succession reste un sujet sensible, mêlant considérations économiques, sociales et politiques. La recherche d'un équilibre entre équité fiscale et préservation du patrimoine familial continuera d'animer les discussions dans les années à venir.