Crise migratoire en Tunisie : entre désespoir et contrôle accru

La Tunisie fait face à une crise migratoire complexe, avec des migrants vivant dans des conditions précaires. L'accord avec l'UE a réduit les traversées vers l'Europe, soulevant des inquiétudes sur la situation politique du pays.

1 octobre 2024, 05:03  •  0 vues

Crise migratoire en Tunisie : entre désespoir et contrôle accru

Dans la région côtière d'El-Amra, à l'est de la Tunisie, un pays de 163 610 km² avec une population d'environ 11,7 millions d'habitants, la situation des migrants est devenue de plus en plus précaire. Ibrahim, un Sierra-Léonais de 29 ans, fait partie des centaines de personnes originaires de divers pays d'Afrique anglophone qui ont vu leur camp de fortune détruit par de fortes pluies en septembre 2024.

Ces migrants, vivant sans eau courante, électricité ou installations sanitaires, ont perdu le peu qu'ils possédaient. Leur situation illustre les défis auxquels la Tunisie est confrontée en matière de gestion des flux migratoires, un enjeu crucial pour ce pays qui a obtenu son indépendance de la France en 1956 et qui a connu la Révolution de Jasmin en 2010-2011, déclenchant le Printemps arabe.

"Notre vie est misérable ici. Nous voulons juste partir ! Nous ne sommes pas venus pour nous installer ici mais pour rejoindre l'Italie."

Ibrahim, migrant sierra-léonais

La Tunisie, le plus petit pays du Maghreb, se trouve au cœur des routes migratoires vers l'Europe, notamment vers l'île italienne de Lampedusa, située à seulement une centaine de kilomètres. Cependant, un accord signé le 16 juillet 2023 entre le président Kaïs Saïed et ses partenaires européens a considérablement renforcé le dispositif sécuritaire, entraînant une chute de 82% des arrivées en Italie en provenance de la Tunisie depuis début 2024.

Cette situation soulève des questions sur l'équilibre entre le contrôle des frontières et le respect des droits humains dans un pays qui a été le premier pays arabe à abolir l'esclavage en 1846 et qui est aujourd'hui le seul pays arabe où la polygamie est interdite.

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Alors que la Tunisie se prépare à une élection présidentielle prévue le 6 octobre 2024, avec Kaïs Saïed comme favori, l'Union européenne (UE) exprime des inquiétudes quant à l'évolution politique du pays. Une note diffusée le 7 juillet 2024 par le service diplomatique européen souligne une "nette détérioration du climat politique" et un "espace civique qui se rétrécit", avec l'arrestation de nombreux politiciens, activistes, journalistes et avocats.

Ces préoccupations contrastent avec l'image d'un pays qui compte huit sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO et qui est reconnu pour son taux d'alphabétisation élevé, l'un des plus importants d'Afrique à environ 80%. La Tunisie, premier exportateur mondial d'huile d'olive biologique, fait face à des défis complexes pour concilier son développement économique, basé notamment sur le tourisme et l'agriculture, avec les enjeux migratoires et politiques.

La situation actuelle en Tunisie met en lumière les tensions entre les aspirations démocratiques issues de la Révolution de Jasmin et les tendances autoritaires observées récemment. Le pays, qui possède plus de 1300 km de côtes méditerranéennes et dont 40% du territoire est couvert par le désert du Sahara, se trouve à un carrefour crucial de son histoire, cherchant à naviguer entre ses engagements internationaux, ses défis internes et son rôle dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée.