Dans un contexte électoral crucial, notamment aux États-Unis, la question de l'ingérence russe refait surface comme un enjeu majeur de sécurité. Une étude approfondie, publiée le 7 octobre 2024 dans la revue Réseaux, met en lumière les mutations de l'écosystème d'influence informationnelle russe depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Maxime Audinet, chercheur à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (Irsem), et Colin Gérard, docteur en géopolitique, ont minutieusement analysé ces évolutions. Leur travail révèle un système en constante adaptation, doté de moyens croissants et recourant à des méthodes de plus en plus sophistiquées.
Face au blocage de médias comme RT et Sputnik en Occident depuis 2022, les acteurs pro-Moscou ont développé des stratégies plus discrètes. L'une des principales tactiques consiste à sous-traiter les opérations d'influence à des entreprises spécialisées en relations publiques et marketing numérique. Ces firmes tentent de recruter des influenceurs occidentaux pour diffuser des messages favorables au Kremlin, dissimulant ainsi leur origine russe.
Une autre méthode, baptisée "Doppelgänger", implique l'usurpation d'identité de sites Web de médias occidentaux réputés par "typo-squattage". Cette opération est attribuée à trois entrepreneurs russes liés au Centre S, la cellule d'influence informationnelle de l'administration présidentielle russe.
L'étude présente un organigramme détaillé du dispositif d'influence russe, révélant l'imbrication complexe des structures étatiques et privées. Bien que dominé par l'État, environ un tiers des acteurs opèrent dans la sphère entrepreneuriale privée.
Il est important de noter que la Russie a une longue histoire d'influence sur les élections étrangères, remontant à l'ère soviétique. Le concept de "guerre de l'information" est central dans la doctrine militaire russe moderne, et le pays a développé des outils sophistiqués comme les "fermes à trolls" pour manipuler l'opinion publique en ligne.
L'évolution de ces tactiques s'inscrit dans un contexte plus large de tensions géopolitiques. Les élections présidentielles américaines de 2024, prévues pour le 5 novembre, sont particulièrement visées. Cette situation rappelle les accusations d'ingérence russe dans les élections de 2016, qui ont marqué un tournant dans la prise de conscience occidentale de ces menaces.
Le rôle d'Evgueni Prigojine, longtemps figure centrale de ce dispositif d'influence, est également évoqué. Sa chute en disgrâce et sa mort dans un crash d'avion en août 2024 ont probablement entraîné des réajustements dans l'écosystème d'influence russe.
Face à ces défis, les démocraties occidentales doivent rester vigilantes et adapter leurs défenses. La compréhension de ces nouvelles tactiques est cruciale pour préserver l'intégrité des processus démocratiques face à des menaces de plus en plus sophistiquées et discrètes.