L'industrie chimique allemande, pilier historique de l'économie du pays, connaît un tournant majeur. Covestro, le spécialiste des polymères né de la scission de Bayer en 2015, est sur le point d'être acquis par Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc) pour près de 15 milliards d'euros. Cette transaction marque un changement significatif dans le paysage industriel de la vallée du Rhin, l'une des régions industrielles les plus importantes d'Europe.
Covestro, le plus grand producteur mondial de mousse de polyuréthane et de polycarbonates, emploie environ 17 900 personnes dans le monde. Son siège social est situé à Leverkusen, en Allemagne. L'entreprise est reconnue pour ses innovations, notamment dans le domaine du recyclage chimique, qui peut réduire les émissions de CO2 jusqu'à 50% par rapport à l'incinération. Covestro a même développé un procédé révolutionnaire pour produire du plastique à partir de CO2.
L'acquisition par Adnoc, 12e plus grande compagnie pétrolière au monde, s'inscrit dans une stratégie de diversification. Les Émirats arabes unis, qui possèdent environ 6% des réserves mondiales de pétrole, cherchent à renforcer leur position dans l'industrie chimique mondiale. Adnoc vise à devenir l'un des cinq plus grands chimistes du monde, tout en poursuivant l'objectif national d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Cette transaction soulève des questions sur l'avenir de l'industrie chimique allemande, qui représente environ 10% du chiffre d'affaires mondial du secteur et emploie environ 464 000 personnes. L'Allemagne, quatrième plus grand producteur chimique au monde, fait face à des défis croissants, notamment des coûts énergétiques élevés. L'industrie chimique représente environ 15% de la consommation d'énergie du pays.
Markus Steilemann, PDG de Covestro, a déclaré dans une interview au Handelsblatt le 2 octobre 2024 :
"Le plus important est la proximité avec les clients. Cet accord d'investissement est un signe d'attractivité pour l'Allemagne."
Malgré ces assurances, des inquiétudes persistent quant au maintien des activités de Covestro en Allemagne. Adnoc s'est engagé à respecter un accord de maintien des emplois jusqu'en 2032 et à adhérer au principe de codécision, une pratique allemande datant de 1951 qui implique la participation des syndicats aux décisions stratégiques.
L'avenir dira si cette acquisition permettra à Covestro de maintenir son leadership dans l'innovation, tout en bénéficiant des ressources d'Adnoc. Entre 2017 et 2022, Covestro a investi plus de 3 milliards d'euros dans la R&D, démontrant son engagement envers l'innovation. Cette fusion pourrait potentiellement combiner l'expertise allemande en chimie avec les ressources énergétiques des Émirats arabes unis, ouvrant de nouvelles perspectives pour l'industrie chimique mondiale.