Un chercheur dévoile les dessous du mouvement décolonial en Amérique latine
Un sociologue basé à Mexico analyse le courant décolonial qui a émergé il y a vingt ans aux États-Unis. Son nouveau livre examine les limites de cette pensée qui remet en cause lʼhéritage occidental
Pierre Gaussens‚ chercheur à lʼInstitut détudes avancées de Paris passe son année en France tout en gardant son poste de sociologue au Collège du Mexique (un établissement prestigieux de Mexico). Il vient de co-diriger avec sa collègue Gaya Makaran un ouvrage qui examine la pensée décoloniale; leur livre regroupe des auteurs qui‚ bien quʼanticoloniaux questionnent cette approche et sa logique de rupture
Les études décoloniales sont nées au début des années 2000 avec le groupe Modernité-Colonialité: un réseau de penseurs latino-américains installés aux USA. Parmi ses membres-clés on trouve le sociologue péruvien Anibal Quijano (mort il y a environ 6 ans)‚ le sémiologue Walter Mignolo‚ lʼanthropologue Arturo Escobar et le philosophe Enrique Dussel (décédé lʼan dernier)
Ce courant de pensée sʼorganise autour dune idée centrale: lʼarrivée de Colomb en 1492 marque le début dun système de pouvoir qui persiste encore. Ce système‚ nommé “colonialité“ représente une domination raciale qui touche tous les aspects de la société (le savoir la culture et même les rapports de genre). Lʼeurocentrisme – concept-phare de cette théorie – désigne lʼinfluence destructrice de la pensée occidentale sur les savoirs locaux
Les décoloniaux ne voulaient pas juste faire de la théorie; ils cherchaient à devenir une avant-garde pour guider les mouvements sociaux latino-américains. Ils se sont démarqués des études postcoloniales (apparues dans les 80s en Inde) en critiquant leur approche trop académique qui manquait selon eux dambition politique