Prix record du cacao en Côte d'Ivoire : un défi environnemental

La Côte d'Ivoire fixe un prix d'achat record pour le cacao, mais fait face à des défis environnementaux. Les nouvelles réglementations et l'évacuation des planteurs illégaux créent des tensions.

1 octobre 2024, 13:49  •  0 vues

Prix record du cacao en Côte d'Ivoire : un défi environnemental

La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, vient d'annoncer un prix d'achat record pour la prochaine campagne de récolte. Cette décision s'inscrit dans un contexte complexe, où le pays doit jongler entre les enjeux économiques et environnementaux.

Le ministre de l'agriculture ivoirien a révélé que le prix d'achat du cacao aux planteurs atteindra 1 800 francs CFA (2,70 euros) le kilo pour la campagne principale, du 1er octobre 2024 au 31 mars 2025. Cette augmentation de 20% par rapport à la campagne précédente représente un montant historique. Cependant, cette hausse n'a pas satisfait pleinement les attentes des planteurs, qui espéraient bénéficier davantage de la flambée des cours mondiaux.

Le secteur du cacao est crucial pour l'économie ivoirienne, générant environ 15% du PIB du pays. Toutefois, la culture intensive du cacao a contribué à une déforestation massive, avec une perte de 80% du couvert forestier depuis 1960. Face à ce constat alarmant, de nouvelles normes environnementales obligent le pays à repenser son mode de production.

Image

L'Union européenne, qui consomme 60% du cacao produit en Côte d'Ivoire et au Ghana, prévoit d'appliquer une réglementation interdisant l'importation de produits issus de la déforestation (RDUE) à partir du 1er janvier 2025. Pour s'y conformer, les autorités ivoiriennes ont intensifié leurs efforts pour lutter contre les activités agricoles illégales dans les forêts classées.

Une opération d'évacuation controversée a eu lieu le 17 septembre 2024 dans la forêt de Bouaflé, située à l'ouest du pays. Cette action a suscité de vives réactions, notamment de la part de Thibault Yoro, porte-parole de la centrale syndicale agricole de Côte d'Ivoire, qui dénonce :

"Des maisons incendiées, des élèves privés d'écoles, des planteurs livrés à eux-mêmes, sans solutions de relogements, et juste avant le début de la campagne cacao"

Thibault Yoro, porte-parole syndical

Face aux tensions, le ministre des eaux et forêts a suspendu l'opération le 22 septembre, tout en rappelant la nécessité de préserver l'environnement.

Le gouvernement ivoirien se trouve ainsi confronté à un dilemme : protéger les planteurs de cacao tout en préservant la nature. Un recensement de 2020 estimait à près de 120 000 le nombre de cultivateurs installés illégalement dans les 234 forêts protégées du pays, soit 12% des planteurs ivoiriens.

La mise en conformité avec les nouvelles réglementations représente un défi financier et technique pour les coopératives de cacao. Selon une étude, l'investissement nécessaire pour une coopérative oscillerait entre 24 000 et 37 000 euros. Face à ces difficultés, la centrale syndicale agricole a demandé à l'UE de reporter d'un an l'application du RDUE.

Le secteur du cacao en Côte d'Ivoire emploie environ 5-6 millions de personnes, principalement de petits exploitants familiaux. Le pays produit environ 40% du cacao mondial, principalement de la variété Forastero. Pour stabiliser les prix, la Côte d'Ivoire a mis en place un système de ventes anticipées à la moyenne (PVAM) et collabore avec le Ghana pour influencer les cours mondiaux.

Alors que le pays vise à transformer 50% de sa production de cacao d'ici 2025 et à promouvoir une cacaoculture durable, il doit également faire face à des défis tels que le travail des enfants dans le secteur. La certification du cacao durable gagne en importance, mais les efforts pour concilier production et préservation de l'environnement restent un défi majeur pour l'avenir de l'industrie cacaoyère ivoirienne.