Le "couloir de la mort" de Fresnes : un héritage contesté
La demande de classement du "couloir de la mort" de la prison de Fresnes aux monuments historiques a été rejetée. Ce refus relance le débat sur la préservation de la mémoire carcérale de la Seconde Guerre mondiale.
La décision de ne pas inscrire le "couloir de la mort" de la prison de Fresnes aux monuments historiques a été annoncée le 18 septembre 2024, suscitant des réactions mitigées. Cette décision intervient plus d'un an après la demande initiale du sénateur communiste Pascal Savoldelli, qui souhaitait préserver ce lieu chargé d'histoire.
La prison de Fresnes, construite entre 1895 et 1898, est la deuxième plus grande prison de France. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a joué un rôle central dans la répression de la Résistance. Selon Loïc Damiani, historien au Musée national de la Résistance, Fresnes était "le plus grand centre de la répression de la Résistance, au cœur de la machine de coercition allemande".
La demande de classement visait à protéger le couloir souterrain, par lequel seraient passés près de dix mille prisonniers durant le conflit. Cependant, la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France a remis en question l'usage historique de cet espace comme lieu de transit pour les résistants condamnés à mort.
Malgré ce rejet, l'importance historique de Fresnes reste indéniable. La prison a servi de centre de détention pour la Gestapo et a accueilli de nombreux détenus célèbres. Parmi eux, le résistant arménien Missak Manouchian, récemment panthéonisé en février 2024. C'est dans sa cellule à Fresnes qu'il a écrit sa fameuse "Lettre à Mélinée" avant d'être exécuté le 21 février 1944.
"Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures."
La prison de Fresnes a également été le théâtre d'autres événements historiques. En octobre 1945, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, y a passé ses derniers moments avant son exécution pour haute trahison.
Au fil des années, Fresnes a connu de nombreuses évolutions. Elle dispose aujourd'hui d'une bibliothèque de plus de 20 000 ouvrages et organise des activités culturelles pour les détenus. Cependant, la prison reste critiquée pour ses conditions de détention et sa surpopulation chronique.
Le débat sur la préservation de la mémoire carcérale de la Seconde Guerre mondiale se poursuit. Bien que le "couloir de la mort" ne soit pas classé, l'histoire de Fresnes continue de susciter l'intérêt des historiens et du public, témoignant de l'importance de ce lieu dans la mémoire collective française.