La PAC en décalage avec les ambitions écologiques de l'UE

La Cour des comptes européenne critique l'écart entre la Politique Agricole Commune et les objectifs environnementaux de l'UE. Le rapport souligne le manque d'ambition écologique des plans nationaux.

30 septembre 2024, 18:55  •  343 vues

La PAC en décalage avec les ambitions écologiques de l'UE

La Cour des comptes européenne a publié un rapport critique le 30 septembre 2024, mettant en lumière un "fossé" significatif entre la Politique Agricole Commune (PAC) et les objectifs environnementaux ambitieux de l'Union européenne (UE). Cette analyse intervient à un moment crucial, alors que le pacte vert européen, visant la neutralité carbone d'ici 2050, fait face à des vents contraires au sein des institutions européennes.

La PAC, créée en 1962, représente le premier poste budgétaire de l'UE, avec 58 milliards d'euros alloués annuellement, dont 9 milliards pour la France. Ce budget colossal, qui constitue environ 40% du budget total de l'UE pour la période 2021-2027, soutient approximativement 6,5 millions d'agriculteurs à travers l'Union.

La dernière mouture de la PAC, couvrant la période 2023-2027, avait pour ambition d'accélérer la transition écologique du secteur agricole. Une innovation majeure consistait à accorder plus de flexibilité aux États membres dans la définition des règles d'attribution de certaines aides, via les "plans stratégiques nationaux" (PSN).

Cependant, l'audit de la Cour révèle que ces plans ne sont pas alignés avec les objectifs du pacte vert. L'agriculture représente environ 10% des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, et le pacte vert vise à réduire ces émissions de 55% d'ici 2030. Or, les auditeurs constatent que la Commission européenne ne mesure pas précisément l'ambition écologique des PSN.

Image

L'un des objectifs chiffrés, l'augmentation des surfaces en agriculture biologique, est loin d'être atteint. La stratégie "De la ferme à la fourchette", adoptée en 2021, fixe un objectif de 25% de surfaces en bio d'ici 2030, contre seulement 10,5% en 2022. En 2024, l'agriculture biologique n'occupe qu'environ 8,5% de la surface agricole totale de l'UE, malgré ses avantages environnementaux, notamment une consommation d'énergie 30% inférieure à l'agriculture conventionnelle.

L'étude approfondie des PSN de quatre grands pays producteurs agricoles - Espagne, France, Irlande et Pologne - révèle des règles d'attribution des aides particulièrement généreuses. Par exemple, en Irlande, 91% des agriculteurs sont éligibles à l'écorégime, le principal instrument de paiement vert de la nouvelle PAC. En France, ce taux atteint même 99,9%.

Cette approche inclusive ne favorise pas le changement des pratiques agricoles. Elle contraste avec les objectifs ambitieux de la stratégie "De la ferme à la fourchette", qui vise notamment à réduire l'utilisation de pesticides de 50% et les pertes de nutriments d'au moins 50% d'ici 2030.

Le rapport de la Cour des comptes européenne souligne ainsi un décalage préoccupant entre les ambitions environnementales de l'UE et la réalité de la mise en œuvre de la PAC. Ce constat intervient alors que l'UE, premier exportateur mondial de produits agroalimentaires, doit concilier productivité et durabilité pour nourrir environ 450 millions de consommateurs européens.

"Les plans stratégiques nationaux ne sont pas en phase avec les objectifs du pacte vert, et la seule contribution chiffrée qui y figure, la hausse des surfaces cultivées en agriculture biologique, est loin d'être atteinte."

Extrait du rapport de la Cour des comptes européenne

Cette situation met en lumière les défis complexes auxquels l'UE est confrontée pour transformer son secteur agricole, qui emploie environ 4% de sa population active, tout en respectant ses engagements environnementaux ambitieux.