La flânerie urbaine : entre familiarité et découverte

Exploration de l'art de marcher en ville, inspirée par Jacques Réda. Réflexion sur la définition moderne de l'urbanité et les défis de l'étalement urbain.

2 octobre 2024, 14:04  •  0 vues

La flânerie urbaine : entre familiarité et découverte

La marche en ville, qu'elle soit dans un environnement familier ou inconnu, offre une expérience unique de découverte et de redécouverte. Cette pratique, ancrée dans la tradition de la flânerie urbaine développée au 19e siècle, continue de fasciner et d'inspirer.

Jacques Réda, récemment disparu, a brillamment capturé l'essence de cette expérience dans son ouvrage "La Liberté des rues" (1997). Il y écrit :

"J'ai cessé de croire que je circule au gré de ma fantaisie. Je ne pense pas davantage obéir, en circulant, à quelque plan préétabli pour me guider ou pour me perdre"

Jacques Réda, dans "La Liberté des rues"

Cette réflexion fait écho à la pensée de Walter Benjamin, philosophe allemand qui a théorisé l'art de se perdre dans une ville comme un acte "suprêmement civilisé".

La flânerie urbaine, intimement liée à l'improvisation que l'on retrouve dans le jazz, né aux États-Unis au début du 20e siècle, permet de s'immerger dans le rythme unique de chaque ville. Que ce soit dans le quartier des Halles à Paris, récemment réaménagé, ou dans les rues d'une métropole inconnue, le marcheur urbain se laisse guider par ce que Réda appelait "la liberté des rues".

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Les géographes urbains modernes définissent la ville non pas par sa taille ou son gouvernement, mais par la relation entre la densité de l'habitat et la diversité de ses habitants. Cette définition permet de mieux comprendre le concept de "tout-monde" d'Edouard Glissant, écrivain martiniquais qui a vécu de 1928 à 2011, où "la totalité vit de ses propres détails".

Paradoxalement, la haine de la ville, un thème littéraire remontant à Pétrarque au 14e siècle, peut être interprétée comme un refus de cette diversité. L'École de Chicago en sociologie, fondée dans les années 1920, a étudié comment l'étalement urbain, phénomène observé depuis le milieu du 20e siècle, peut fragiliser l'idée même d'urbanité en étirant les solidarités et en favorisant la ségrégation.

Aujourd'hui, alors que l'ONU estime que plus de la moitié de la population mondiale vit en zone urbaine depuis 2007, de nouveaux concepts émergent. La "ville globale" théorisée par Saskia Sassen dans les années 1990, le "droit à la ville" développé par Henri Lefebvre dans les années 1960, ou encore la "smart city" apparue dans les années 2000, témoignent de l'évolution constante de notre rapport à l'urbain.

La flânerie urbaine, en nous invitant à redécouvrir nos villes, nous rappelle l'importance de préserver leur diversité et leur densité, garantes de cette urbanité si précieuse.