Enquête sur des suicides à La Poste : la justice se penche sur le drame
Une enquête judiciaire a été ouverte suite à des suicides d'employés de La Poste dans le Rhône. Les conditions de travail et les réorganisations sont au cœur de l'affaire.
Une enquête judiciaire pour homicide involontaire aggravé a été ouverte suite à deux suicides et une tentative de suicide d'employés de La Poste dans le Rhône, survenus entre 2017 et 2018. Cette information, confirmée par le parquet de Lyon le 11 octobre 2024, met en lumière les défis auxquels fait face l'opérateur postal historique français, fondé en 1576.
L'enquête, supervisée par un juge d'instruction, porte sur plusieurs chefs d'accusation, notamment :
- Homicide involontaire aggravé
- Blessures involontaires dans le cadre du travail
- Harcèlement moral au travail
- Mise en danger de la vie d'autrui
Ces événements tragiques se sont déroulés sur la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Corbas, en banlieue sud de Lyon, la troisième plus grande ville de France. À l'époque, le site connaissait sa deuxième réorganisation des tournées en seulement deux ans, reflétant les défis auxquels le secteur postal fait face dans un contexte de digitalisation croissante.
Une expertise indépendante menée par le cabinet Secafi en 2019 a souligné l'impact direct de ces restructurations sur les conditions de travail et la santé des employés. L'inspection du travail, institution créée en 1892, a qualifié le contexte sur la plateforme de "pathogène", pointant du doigt l'inaction de l'entreprise comme une possible "mise en danger d'autrui".
Les cas spécifiques incluent :
- Le suicide d'une employée de 30 ans en décembre 2017
- Le suicide d'un employé en fin de carrière en mars 2018
- La tentative de suicide d'un autre employé en fin de carrière fin 2017
Ce dernier cas est particulièrement poignant. L'employé a été retrouvé dans une forêt de Corrèze, département situé dans la région Nouvelle-Aquitaine, avec des gelures ayant conduit à une double amputation.
"Aucune mise en examen n'est intervenue à ce stade"
Ces événements s'inscrivent dans un contexte plus large de préoccupations concernant la santé mentale au travail en France. Le pays affiche l'un des taux de suicide les plus élevés d'Europe, et le burn-out est reconnu comme une maladie professionnelle depuis 2015. Le Code du travail français impose aux employeurs de protéger la santé mentale des salariés, une obligation renforcée par la loi de 2002 sur le harcèlement moral au travail.
Malgré ces tragédies, les réorganisations à La Poste se poursuivent dans le Rhône. Récemment, des députés et élus lyonnais ont interpellé le ministre de la fonction publique concernant la fermeture programmée de trois bureaux de poste dans l'agglomération lyonnaise. Ils soulignent que "l'instabilité liée aux réorganisations et les diminutions de personnels [...] sont source d'un stress intense pour les salariés et salariées et d'une dégradation globale des conditions de travail".
Ces événements mettent en lumière les défis auxquels fait face La Poste, qui emploie environ 250 000 personnes en France. L'entreprise, qui a un statut public depuis 2010, a dû s'adapter à une baisse significative du volume de courrier et diversifier ses activités, incluant des services bancaires et d'assurance. Bien que La Poste ait mis en place des programmes de prévention des risques psychosociaux, cette enquête souligne l'importance continue de la santé mentale des employés dans un secteur en pleine mutation.