Élection contestée au Venezuela : le dilemme diplomatique de la Colombie

La réélection controversée de Maduro au Venezuela place la Colombie face à un défi complexe. Entre pression internationale et enjeux migratoires, Bogota cherche un équilibre délicat.

4 octobre 2024, 18:04  •  137 vues

Élection contestée au Venezuela : le dilemme diplomatique de la Colombie

La communauté vénézuélienne en Colombie a manifesté le 17 août 2024 à Medellin contre l'élection présidentielle contestée au Venezuela. Cette manifestation illustre les tensions persistantes entre les deux pays voisins, qui partagent une frontière de 2 219 kilomètres.

Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013, fait face à des accusations de fraude électorale suite au scrutin du 28 juillet 2024. Cette situation place la Colombie, dirigée par Gustavo Petro, premier président de gauche du pays élu en 2022, dans une position délicate.

Luisa Rivera, une migrante vénézuélienne vivant à Bogota depuis environ sept ans, exprime son inquiétude :

"Quand la Colombie a fermé la frontière en 2019, je n'ai pas pu voir ma mère ni ma sœur pendant plus de quatre ans. Les liaisons aériennes ont été suspendues. Pour rentrer au pays, il fallait passer par les trochas, ce qui est dangereux."

Témoignage d'une migrante vénézuélienne

Les "trochas" sont des sentiers utilisés par les migrants et les contrebandiers, souvent contrôlés par des groupes armés.

La crise au Venezuela, qui a débuté en 2013, a entraîné un exode massif. Plus de 8 millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays depuis 2015, dont un tiers vit actuellement en Colombie. Cette situation complexifie les relations diplomatiques entre les deux nations.

Le chercheur Ronal Rodriguez de l'université du Rosaire à Bogota résume le dilemme : "La Colombie ne peut accepter la fraude commise le 28 juillet, mais elle ne peut non plus couper les liens avec le Venezuela. La marge de manœuvre du président Gustavo Petro est étroite."

Les efforts de médiation menés par la Colombie, le Brésil et le Mexique pour obtenir la publication des procès-verbaux des bureaux de vote ou l'organisation de nouvelles élections n'ont pas abouti. Le gouvernement Maduro semble avoir opté pour la répression et le passage en force.

En Colombie, l'opposition de droite, représentée par la sénatrice Maria Fernanda Cabal, plaide pour une rupture des relations diplomatiques, à l'instar de l'Argentine et du Pérou qui ont reconnu la victoire du candidat d'opposition, Edmundo Gonzalez.

Cependant, la normalisation des relations avec le Venezuela, initiée par Gustavo Petro, a des avantages pratiques pour les migrants. Pendant quatre ans, l'absence de représentation consulaire a compliqué leur vie, les empêchant de renouveler leurs documents officiels ou d'effectuer des démarches administratives.

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Cette crise s'inscrit dans un contexte plus large de difficultés économiques au Venezuela. Autrefois l'un des pays les plus riches d'Amérique latine, le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole prouvées au monde. Cependant, depuis 2013, le pays a connu une hyperinflation record, des pénuries de produits de base, et une chute significative de sa production pétrolière.

Face à ces défis, le Venezuela a adopté des mesures controversées, comme le lancement de la cryptomonnaie Petro pour contourner les sanctions internationales imposées depuis 2015. Le pays s'est également retiré de l'Organisation des États américains en 2019 et a été suspendu du Mercosur en 2016.

La situation reste tendue, avec des manifestations anti-gouvernementales récurrentes depuis 2014 et un taux de pauvreté en augmentation constante. La communauté internationale observe attentivement l'évolution de la situation, tandis que la Colombie tente de naviguer entre ses intérêts diplomatiques et les besoins de sa importante population de migrants vénézuéliens.