Économistes et syndicats s'unissent pour réformer les marchés publics de l'UE

Une centaine d'économistes soutiennent une manifestation syndicale à Bruxelles visant à améliorer les conditions de travail dans les marchés publics européens, représentant 14% du PIB de l'UE.

30 septembre 2024, 04:32  •  0 vues

Économistes et syndicats s'unissent pour réformer les marchés publics de l'UE

Une manifestation d'envergure se prépare à Bruxelles le 1er octobre 2024, soutenue par environ 100 économistes, dont le renommé Thomas Piketty. Cette mobilisation, organisée par des syndicalistes de neuf pays européens, vise à obtenir une révision des règles sociales régissant les marchés publics au sein de l'Union européenne.

Les marchés publics, qui représentent actuellement 2 000 milliards d'euros, soit environ 14% du produit intérieur brut de l'UE, sont au cœur de cette initiative. Ces contrats, conclus entre les pouvoirs publics et des entreprises privées, jouent un rôle crucial dans l'économie européenne.

L'Union Network International-Europa (UNI), une organisation regroupant 330 syndicats et représentant 7 millions de travailleurs, coordonne ce mouvement. Affiliée à la Confédération européenne des syndicats, fondée en 1973, UNI appelle à mettre fin à la "course vers le bas" et à améliorer les conditions de travail, les salaires et la négociation collective pour les millions de travailleurs employés dans le cadre de ces contrats.

Les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, tels que le nettoyage, la restauration et la sécurité, sont particulièrement concernés. Le secteur du nettoyage, par exemple, emploie environ 4 millions de personnes dans l'UE, tandis que la sécurité privée compte plus de 1,5 million d'employés.

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Les économistes soutenant le mouvement critiquent les pratiques actuelles qui privilégient les prix les plus bas dans les appels d'offres. Selon eux, ces pratiques créent des conditions de marché défavorables aux critères sociaux essentiels pour une croissance économique durable et des emplois de qualité.

La pandémie de Covid-19, qui a débuté en Europe début 2020, a mis en lumière l'importance de certaines catégories de travailleurs dits "externalisés". Cependant, Thomas Piketty et ses cosignataires déplorent que ces travailleurs soient encore perçus comme de simples facteurs de coût plutôt que comme des investissements cruciaux pour la santé, la sécurité et le bien-être collectifs.

Parmi les économistes soutenant cette initiative, on trouve Laszlo Andor, ancien commissaire européen aux affaires sociales de 2010 à 2014, et Isabella Weber, professeure à l'Université du Massachusetts Amherst. Cette dernière avait suscité une controverse en 2021 en plaidant pour une politique de contrôle des prix, et en 2023, elle dénonçait la "cupideflation", un phénomène d'inflation créé par des entreprises profitant de leur position dominante sur le marché.

D'autres signataires notables incluent Ann Pettifor, directrice de Policy Research in Macroeconomics (PRIME) et connue pour avoir prédit la crise financière de 2007-2008, Roberto Veneziani, professeur à la Queen Mary University de Londres, fondée en 1785, et Benjamin Braun, chercheur à l'Institut Max Planck pour l'étude des sociétés.

Les économistes soulignent également la dimension migratoire et de genre du mouvement. Une grande partie des travailleurs concernés sont des migrants, principalement des femmes, qui représentent environ 80% des employés du secteur du nettoyage dans l'UE. Ces travailleurs sont confrontés à la menace croissante de l'extrême droite, qui gagne du terrain dans plusieurs pays européens.

Cette mobilisation intervient dans un contexte où le taux de syndicalisation varie considérablement entre les pays de l'UE, allant de moins de 10% à plus de 70%. De plus, bien que l'UE ait adopté un salaire minimum européen en 2022, son application diffère selon les pays.

La manifestation du 1er octobre 2024 à Bruxelles vise donc à attirer l'attention sur ces enjeux cruciaux et à promouvoir une révision de la directive européenne sur les marchés publics, dont la dernière mise à jour remonte à 2014.