Débat sur la critique des sondages : l'IFOP abandonne sa plainte contre un chercheur

L'IFOP se désiste d'une plainte pour diffamation contre un expert critiquant un sondage controversé. L'affaire soulève des questions sur la liberté d'expression académique et la méthodologie des enquêtes d'opinion.

4 octobre 2024, 18:56  •  101 vues

Débat sur la critique des sondages : l'IFOP abandonne sa plainte contre un chercheur

La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires de presse et de diffamation, devait examiner une affaire opposant l'Institut français d'opinion publique (IFOP) au chercheur Alexandre Dézé. Cependant, l'audience prévue pour le 4 octobre 2024 n'aura pas lieu, l'IFOP s'étant désisté 48 heures avant.

L'affaire trouve son origine dans un article du Monde publié le 11 septembre 2020, analysant le positionnement de CNews, chaîne d'information rebaptisée en 2017. L'article mentionnait un sondage IFOP pour Charlie Hebdo, journal satirique fondé en 1970, concernant l'opinion des musulmans après les attentats de janvier 2015, qui avaient fait 17 victimes.

Le sondage, basé sur deux échantillons dont l'un de 515 personnes se déclarant musulmanes, avait été critiqué par Alexandre Dézé, professeur à l'Université de Montpellier. Il avait déclaré :

"Avec un échantillon aussi faible, de 515 personnes, ce sondage n'a aucune valeur et ses conclusions sont discutables."

Propos d'Alexandre Dézé, professeur de science politique

Le chercheur avait souligné les difficultés méthodologiques liées à l'interdiction des statistiques ethniques en France, qualifiant la situation de "faiblesse méthodologique délirante".

L'IFOP, fondé en 1938 et l'un des plus anciens instituts de sondage français, avait alors porté plainte pour diffamation. Cette action a été perçue comme une potentielle "procédure bâillon", visant à intimider les critiques par des poursuites judiciaires.

La liberté d'expression académique et la critique scientifique des méthodes de sondage sont essentielles pour améliorer leur fiabilité. Les sondages, régis par la loi du 19 juillet 1977, peuvent influencer l'opinion publique, un phénomène connu sous le nom d'effet bandwagon.

Alexandre Dézé, expert reconnu ayant publié en 2022 un ouvrage intitulé "Dix leçons sur les sondages politiques", enseigne à l'Université de Montpellier, réputée pour sa faculté de droit et de science politique. Son avocat a souligné l'expertise de son client dans le domaine des sondages.

Cette affaire soulève des questions importantes sur les limites de la critique des sondages et la méthodologie des enquêtes d'opinion, notamment lorsqu'elles portent sur des sujets sensibles comme le blasphème, qui n'est plus un délit en France depuis 1881, sauf en Alsace-Moselle.

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Bien que l'affaire n'ait pas abouti à un jugement, elle met en lumière l'importance du débat scientifique sur les méthodes de sondage, essentielles pour comprendre et interpréter l'opinion publique dans le contexte politique et social français.