Crise sécuritaire à Saint-Laurent-du-Maroni : la ville guyanaise en état d'alerte

Face à une montée alarmante de la violence, Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième ville de Guyane, lance un appel à l'aide. Les autorités locales réclament des mesures urgentes pour endiguer l'insécurité croissante.

11 octobre 2024, 16:14  •  43 vues

Crise sécuritaire à Saint-Laurent-du-Maroni : la ville guyanaise en état d'alerte

La ville de Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième plus grande agglomération de Guyane, traverse actuellement une crise sécuritaire sans précédent. Depuis le 8 octobre 2024, les conseillers municipaux manifestent quotidiennement devant la sous-préfecture, exigeant une réponse du Premier ministre à leurs revendications urgentes.

Cette ville frontalière du Suriname, dont la population a triplé en 25 ans pour atteindre officiellement 50 000 habitants, fait face à une recrudescence alarmante de la violence. Sophie Charles, maire de la commune, déplore la situation : "Des tirs d'armes à feu retentissent jour et nuit dans tous les quartiers, y compris au centre-ville. Des jeunes armés font régner leur loi."

La situation s'est particulièrement détériorée au cours de l'année écoulée. En janvier 2024, le premier adjoint au maire a été victime d'une agression armée. En avril, une pharmacienne a été tuée. Plus récemment, le 28 septembre, un père de famille a été abattu lors d'un braquage à domicile. Le 3 octobre, des gendarmes ont essuyé des tirs, et trois jours plus tard, un élu a été agressé chez lui.

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Le général Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie en Guyane, confirme cette escalade : "Nous observons une hausse du niveau de violence depuis juillet à Saint-Laurent, avec une nouvelle accélération depuis la rentrée." Les statistiques sont alarmantes : la ville représente environ 10% des vols à main armée recensés en zone gendarmerie au niveau national depuis le début de l'année.

L'insécurité affecte tous les aspects de la vie quotidienne. Alain Chung, président de l'association des commerçants chinois de Saint-Laurent, témoigne : "L'insécurité a atteint un niveau jamais vu. Auparavant, seuls les magasins éloignés du centre-ville étaient ciblés. Aujourd'hui, personne n'est épargné."

Face à cette situation critique, la maire Sophie Charles a adressé une lettre au Premier ministre le 3 octobre, formulant plusieurs demandes urgentes. Elle plaide notamment pour le redéploiement des forces de l'ordre dans les quartiers sensibles, un renforcement du contrôle du fleuve Maroni pour enrayer le trafic d'armes, et l'éradication des quartiers informels servant de bases arrière aux délinquants.

La crise actuelle met en lumière les défis complexes auxquels est confrontée Saint-Laurent-du-Maroni. Fondée en 1858 comme camp pénitentiaire, la ville a connu une croissance démographique fulgurante, passant de 19 211 habitants en 1999 à plus de 67 000 en 2020. Cette expansion rapide a mis à rude épreuve les infrastructures et les services publics de la ville.

Saint-Laurent-du-Maroni, point de passage important pour l'immigration illégale et le trafic de drogue, fait face à un taux de chômage d'environ 35%, bien supérieur à la moyenne nationale. Ces facteurs socio-économiques contribuent à la complexité de la situation sécuritaire actuelle.

Malgré ces défis, la ville reste un centre culturel et historique important. Son centre-ville est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, et le Camp de la Transportation, ancien camp pénitentiaire transformé en musée, témoigne de son passé. La diversité ethnique de la ville, avec ses populations créoles, bushinengues, amérindiennes et hmongs, en fait un carrefour culturel unique.

La résolution de cette crise sécuritaire est cruciale non seulement pour Saint-Laurent-du-Maroni, mais aussi pour l'ensemble de la Guyane. En tant que principal centre administratif de l'ouest guyanais et point de départ pour les expéditions dans la forêt amazonienne, la ville joue un rôle clé dans l'économie et le développement de la région.

"Notre population est plus proche de quatre-vingt mille habitants, alors que les effectifs des forces de sécurité sont aujourd'hui calibrés pour une ville de cinquante mille habitants."

Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni

L'appel à l'aide de Saint-Laurent-du-Maroni souligne l'urgence d'une action concertée entre les autorités locales et nationales pour restaurer la sécurité et assurer un avenir stable à cette ville au riche patrimoine et au potentiel considérable.