Crise de la protection de l'enfance : le CESE tire la sonnette d'alarme

Le Conseil économique, social et environnemental alerte sur la grave crise du secteur de la protection de l'enfance en France, soulignant des dysfonctionnements majeurs et proposant des pistes d'amélioration.

8 octobre 2024, 10:49  •  0 vues

Crise de la protection de l'enfance : le CESE tire la sonnette d'alarme

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de publier un avis alarmant sur l'état de la protection de l'enfance en France. Ce rapport, rédigé à la demande du président du Sénat en mars 2024, met en lumière une crise profonde dans un secteur qui, en 2022, prenait en charge 344 682 mineurs ou jeunes majeurs.

La protection de l'enfance en France, dont les origines remontent à la loi du 24 juillet 1889, fait face à des défis sans précédent. Depuis 2011, le nombre d'enfants pris en charge a augmenté de 18%, mettant en évidence l'ampleur croissante du problème. Cette augmentation significative soulève des questions sur la capacité du système à répondre efficacement aux besoins des enfants vulnérables.

Le rapport du CESE souligne des dysfonctionnements à tous les niveaux, du pilotage de cette politique publique décentralisée à l'accompagnement de la santé des jeunes. Josiane Bigot, ancienne juge des enfants et rapporteuse de l'avis, met en évidence un paradoxe troublant : malgré des exigences accrues en matière de traitement des enfants, le système se trouve dans un état de désorganisation préoccupant.

L'un des problèmes majeurs identifiés est l'inexécution des mesures judiciaires. Le Syndicat de la magistrature a souligné en mai 2024 que de nombreux enfants restent en danger dans leurs familles faute de places dans les établissements ou les familles d'accueil. Cette situation pousse certains juges à renoncer à prendre des décisions de placement, compromettant ainsi la sécurité des enfants.

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"Jamais on n'a été aussi exigeant sur la façon dont on traite les enfants, y compris ceux confiés à la protection de l'enfance, et, dans le même temps, on est complètement démunis en raison de la grande désorganisation qui y règne."

Josiane Bigot, ancienne juge des enfants et rapporteuse de l'avis du CESE

Les conséquences de ces dysfonctionnements sur la santé des enfants sont alarmantes. Une étude européenne publiée en 2021 dans The Lancet révèle que l'espérance de vie des jeunes de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) est en moyenne inférieure de vingt ans à celle de la population générale. Ce chiffre choquant illustre l'impact dévastateur des traumatismes subis pendant l'enfance.

La crise touche également les professionnels du secteur. Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, corapporteuse de l'avis, souligne l'épuisement des équipes et les difficultés de recrutement, avec 71% des établissements confrontés à des problèmes pour trouver du personnel qualifié. Cette situation met en péril la qualité de l'accompagnement offert aux enfants.

Face à ces défis, le CESE propose des mesures pour revaloriser et améliorer la formation des travailleurs sociaux. Ces propositions visent à renforcer l'attractivité du secteur et à mieux équiper les professionnels pour faire face aux situations complexes qu'ils rencontrent quotidiennement.

Il est crucial de rappeler que la protection de l'enfance est une compétence des départements depuis 1983, et que le budget annuel consacré à ce secteur en France s'élève à environ 8 milliards d'euros. Malgré cet investissement conséquent, les défis persistent, soulignant la nécessité d'une réforme en profondeur du système.

La situation est d'autant plus préoccupante que la maltraitance concerne environ 10% des enfants en France, et que le taux de suicide chez les enfants placés est 4 à 5 fois supérieur à la moyenne nationale. De plus, environ 30% des sans-abri en France sont d'anciens enfants placés, illustrant les conséquences à long terme des défaillances du système.

Pour faire face à cette crise, il est essentiel de renforcer la coordination entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, d'augmenter les ressources allouées au secteur, et de mettre en place des mesures de prévention plus efficaces. La récente loi du 7 février 2022 visant à réformer la protection des enfants est un pas dans la bonne direction, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir la sécurité et le bien-être de tous les enfants en France.