Bioani : l'innovation ivoirienne des larves pour une aquaculture durable

À Abobo, Bioani transforme des déchets en protéines d'insectes pour l'aquaculture. Cette start-up ivoirienne révolutionne l'alimentation animale tout en promouvant l'économie circulaire et la souveraineté alimentaire.

2 octobre 2024, 09:45  •  61 vues

Bioani : l'innovation ivoirienne des larves pour une aquaculture durable

Dans la commune d'Abobo, au nord d'Abidjan, une révolution silencieuse se déroule au sein de l'entreprise Bioani. Cette start-up ivoirienne, pionnière dans la production industrielle de protéines de larves, transforme des déchets organiques en une ressource précieuse pour l'aquaculture et l'agriculture.

Lancée en octobre 2022, Bioani élève des larves de mouches soldats noires (Hermetia illucens), une espèce inoffensive originaire des régions tropicales et subtropicales d'Amérique. Ces insectes, dont la durée de vie n'excède pas un mois, sont au cœur d'un processus innovant qui répond à plusieurs défis environnementaux et économiques.

Le cycle de production commence dans des volières où les femelles pondent jusqu'à 700 œufs. Après éclosion, les larves sont transférées dans des bacs de grossissement où elles se nourrissent de déchets organiques. Cette phase de bioconversion, qui dure au moins une semaine, permet aux larves de transformer ces déchets en protéines de haute qualité.

L'utilisation de ces larves comme source de protéines pour l'alimentation animale présente de nombreux avantages. Selon Akian Dieudonné, ingénieur et chercheur à l'Institut national polytechnique de Yamoussoukro :

"La farine de larves contient un taux de protéines autour de 50%, là où il oscille entre 30 et 45% pour la farine de poisson. De plus, elle est moins chère, ce qui réduit considérablement les coûts d'alimentation pour les pisciculteurs."

Les larves offrent un meilleur rapport qualité-prix

Cette innovation s'inscrit parfaitement dans les objectifs du Programme stratégique de transformation de l'aquaculture en Côte d'Ivoire (Pstaci), qui vise à produire plus de 500 000 tonnes de produits halieutiques d'ici 2030. L'utilisation de protéines d'insectes pourrait ainsi contribuer à réduire la dépendance du pays aux importations de poisson, qui représentent actuellement 80% de la consommation nationale.

Au-delà de leur valeur nutritionnelle, les larves de Bioani jouent un rôle crucial dans la gestion des déchets urbains. Chaque mois, elles consomment 60 tonnes de déchets organiques collectés par l'ONG Sonya dans les marchés d'Abobo. Cette approche s'inscrit dans une logique d'économie circulaire, où les déchets d'un système deviennent les ressources d'un autre.

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Les déjections des larves, appelées frass, constituent un engrais naturel de qualité. Thibault Guille, directeur général de Bioani, souligne :

"Le frass est une alternative, ou au moins un complément, aux engrais chimiques responsables de l'appauvrissement des sols. En associant les deux, on obtient souvent de meilleurs rendements."

L'entreprise produit actuellement plus de huit tonnes de frass par mois, offrant une solution économique et écologique aux agriculteurs locaux.

Forte de son succès initial, Bioani envisage d'étendre ses activités à travers la Côte d'Ivoire en développant un modèle décentralisé. L'objectif est de créer un réseau d'agriculteurs capables de produire leurs propres larves, favorisant ainsi l'autonomie locale et la réduction des coûts de transport.

Cette approche innovante de Bioani illustre comment l'utilisation d'insectes dans l'agriculture peut contribuer à relever les défis de la sécurité alimentaire, de la gestion des déchets et de la durabilité environnementale. Alors que la population mondiale continue de croître, de telles solutions pourraient jouer un rôle crucial dans la construction d'un système alimentaire plus résilient et durable en Afrique et au-delà.