Dans le paysage montagneux du Kesrouan, à 40 kilomètres au nord de Beyrouth, le village de Maaysra se dresse comme un témoignage poignant de la complexité confessionnelle libanaise. Cette enclave chiite, nichée à 600 mètres d'altitude dans une région majoritairement chrétienne, a été frappée de plein fouet par le conflit israélo-libanais, mettant en lumière la fragilité de l'équilibre religieux du pays.
Le 25 septembre 2024, une frappe israélienne a coûté la vie à seize habitants de Maaysra, marquant un tournant tragique dans l'histoire récente de la région. Georges Aoun, maire de la localité chrétienne voisine de Zaaitra, souligne : « De mémoire, c'est la première fois qu'un village des environs est bombardé. » Cette attaque rappelle douloureusement que le Liban, malgré ses 18 communautés confessionnelles reconnues, reste vulnérable aux tensions régionales.
Le village, qui compte environ 150 familles de déplacés, illustre la solidarité intercommunautaire face à l'adversité. Parmi les victimes, on compte des résidents locaux et des personnes ayant fui le sud du pays, région historiquement touchée par les conflits avec Israël depuis les années 1970.
« Je pensais qu'il était impossible que la guerre me rattrape ici... »
Ce témoignage poignant de Sohad Quetiche, originaire de Houla dans le sud du Liban, résume le sentiment d'impuissance face à un conflit qui ne connaît pas de frontières confessionnelles. Sa mère, Saada Ayoub, 77 ans, figure parmi les victimes, tandis que son épouse et ses quatre enfants ont été blessés.
Le cimetière de Maaysra est devenu un lieu de recueillement où se mêlent douleur et résilience. Des jouets et des peluches ornent les tombes des plus jeunes victimes, témoignant de l'innocence brisée par la violence. Le jeune Sari, 6 ans, assis silencieusement sur la tombe de sa cousine, incarne la génération qui devra porter le poids de ce conflit.
Cette tragédie s'inscrit dans un contexte plus large de tensions régionales. Le Liban, pays membre de la Francophonie et de la Ligue arabe, se trouve une fois de plus au cœur d'un conflit qui menace son fragile équilibre confessionnel. Le système politique libanais, basé sur un partage du pouvoir entre les différentes communautés, est mis à rude épreuve par ces événements.
Alors que le pays fait face à une crise économique majeure depuis 2019, ces bombardements ajoutent une pression supplémentaire sur une population déjà éprouvée. La résilience du peuple libanais, célèbre pour sa cuisine réputée mondialement et sa riche histoire remontant à plus de 5000 ans pour Beyrouth, est une fois de plus mise à l'épreuve.
Le bombardement de Maaysra soulève des questions sur l'avenir de la coexistence pacifique dans un pays où le cèdre, symbole national présent sur le drapeau, représente l'unité dans la diversité. Alors que la diaspora libanaise, estimée à plus de 12 millions de personnes dans le monde, observe avec inquiétude, l'espoir demeure que le Liban puisse surmonter cette nouvelle épreuve et préserver sa mosaïque confessionnelle unique.