La Révolution française, événement majeur qui a secoué la France il y a plus de 235 ans, continue d'exercer une influence profonde sur la mentalité politique du pays. C'est ce que souligne l'historien Emmanuel de Waresquiel dans son dernier ouvrage, "Il nous fallait des mythes. La Révolution et ses imaginaires. De 1789 à nos jours".
De Waresquiel, spécialiste de l'époque moderne et professeur à l'École pratique des hautes études, examine comment les mythes et la mémoire de la Révolution ont façonné des générations entières de Français. Il affirme que nous sommes, en quelque sorte, les "derniers rejetons" de cette période tumultueuse qui a duré de 1789 à 1799.
L'historien met en lumière la persistance d'un clivage politique, hérité de la Révolution, qui structure la société française depuis plus de deux siècles. Bien que tous les partis se réclament aujourd'hui de la République, le passé révolutionnaire continue de susciter l'enthousiasme chez les uns et la méfiance chez les autres.
"La Révolution compte autant par ses rêves que par ce qu'elle a été. Les mémoires révolutionnaires ont façonné des générations entières."
De Waresquiel souligne que la construction des mémoires révolutionnaires a été largement institutionnelle et étatique. Cependant, ces mémoires ont fini par échapper à leurs créateurs, devenant plus personnelles et subjectives au fil du temps. L'historien s'est intéressé non seulement à la construction de ces mythes, mais aussi à leurs déformations progressives au gré des évolutions politiques et sociales du pays.
L'un des aspects les plus intéressants de l'analyse de de Waresquiel concerne l'héritage révolutionnaire et son influence sur les difficultés politiques actuelles. Il affirme que le renversement soudain et brutal de la souveraineté en 1789, passant du roi à la nation, a légué à la France une culture politique de l'affrontement plutôt que du compromis.
Le principe révolutionnaire de la nation une et indivisible, illustré par le serment du Jeu de paume le 20 juin 1789, a également eu des conséquences durables. Cette conception de l'unanimité a rendu difficile la reconnaissance de l'opposition politique, conduisant à des périodes sombres comme la Terreur (1793-1794).
De Waresquiel établit un lien direct entre cet héritage et la conflictualité actuelle du jeu parlementaire français. Il rappelle que sous la Révolution, les minorités d'Assemblée n'étaient ni aimées ni comprises, une attitude qui semble persister dans la vie politique contemporaine.
L'historien conclut en soulignant l'importance de comprendre ces racines historiques pour mieux appréhender les défis politiques actuels. La Révolution française, avec ses idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité, continue ainsi d'influencer profondément la culture politique française, pour le meilleur et pour le pire.