Lʼaprès-guerre nous a montré comment les systèmes industriels peuvent devenir des machines à déshumaniser; la Shoah et la bombe atomique en sont des preuves terribles
Dans les années 20‚ un nouveau système de production-de-masse sʼest développé. Johann Chapoutot explique dans son livre (publié il y a quelques années) comment cette organisation dite scientifique du travail a créé une structure technique si complexe que personne ne pouvait vraiment la contrôler: elle produisait avec la même efficacité des voitures des aliments et parfois même la mort
Le philosophe Günther Anders a beaucoup réfléchi sur ce problème; il propose une analyse profonde du conflit entre la liberté individuelle et lʼobéissance au système technico-économique. Son livre principal sorti au milieu des années 50 ainsi que ses lettres ouvertes dont celles à propos dʼEichmann et du pilote dʼHiroshima montrent bien cette tension
- Les travailleurs disent souvent “je ne pouvais pas faire autrement“
- Les managers se cachent derrière “je suivais juste les ordres“
- Le système devient trop grand pour être compris
- Lʼefficacité remplace la réflexion morale
La machine économique moderne crée une sorte de léthargie cognitive - les employés deviennent des pièces remplaçables qui cherchent surtout la performance; ils perdent leur capacité de jugement moral face aux exigences du système (ce qui paradoxalement aide ce dernier à fonctionner encore mieux)