Le Sénégal adopte les langues nationales dans l'enseignement primaire

Le Sénégal généralise l'utilisation des langues nationales dans l'enseignement primaire, visant à améliorer l'alphabétisation. Cette décision historique soulève des défis logistiques et pédagogiques.

4 octobre 2024, 14:05  •  0 vues

Le Sénégal adopte les langues nationales dans l'enseignement primaire

Le Sénégal franchit une étape cruciale dans son système éducatif en généralisant l'utilisation des langues nationales dans l'enseignement primaire. Cette décision, annoncée en septembre 2024 par le ministre de l'Éducation nationale, Moustapha Mamba Guirassy, vise à améliorer l'alphabétisation et l'apprentissage des élèves.

L'initiative s'inscrit dans une longue tradition de réflexion sur la place des langues nationales dans l'éducation sénégalaise. Dès 1979, Cheikh Anta Diop, éminent intellectuel sénégalais, soulignait l'importance de l'enseignement en langue maternelle dans son ouvrage "Nations nègres et culture". Cette idée a depuis été reprise par de nombreux acteurs du système éducatif, dont El Hadji Malick Youm, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants.

Le programme, initié en 2016, introduit progressivement l'usage des six langues nationales reconnues par la Constitution : le diola, le malinké, le pular, le sérère, le soninké et le wolof. À la rentrée 2024, douze des quatorze régions du Sénégal utiliseront ces langues dans l'enseignement primaire, selon Cheikh Beye, responsable du programme au ministère de l'Éducation nationale.

Les avantages de cette approche sont déjà visibles. Elhadji Ka, enseignant utilisant le wolof et le pular, constate que les élèves apprennent plus rapidement à lire et à écrire dans leur langue maternelle, facilitant par la suite l'apprentissage du français. Cette méthode vise à réduire le "facteur de blocage" que représente l'introduction abrupte du français à l'âge de 6 ans pour des enfants ayant grandi dans un environnement linguistique différent.

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Cependant, des défis persistent. La production et la distribution de manuels en langues nationales restent un obstacle majeur. De plus, la mobilité des enseignants entre régions linguistiques différentes peut poser problème. Le ministère reconnaît ces difficultés et travaille à les résoudre.

Cette initiative s'inscrit dans un contexte linguistique complexe. Bien que le français reste la langue officielle, il n'est parlé quotidiennement que par 0,6% de la population, tandis que le wolof est utilisé par 53,5% des Sénégalais. L'introduction des langues nationales dans l'éducation vise donc à mieux refléter la réalité linguistique du pays.

L'histoire de cette politique remonte aux années 1970, avec des débats impliquant même le premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Aujourd'hui, elle s'inscrit dans une volonté plus large de "sénégalisation" des programmes scolaires, incluant une réévaluation de l'histoire nationale, comme le massacre de Thiaroye en 1944.

Cette réforme éducative reflète également les aspirations souverainistes des nouvelles autorités en place depuis avril 2024. Elle vise non seulement à améliorer l'apprentissage, mais aussi à préserver et promouvoir le patrimoine culturel sénégalais à travers ses langues.

"Les langues nationales constituent un patrimoine culturel qui reflète notre manière de penser, nos croyances et nos coutumes."

Moustapha Mamba Guirassy, ministre de l'Éducation nationale

En conclusion, cette initiative ambitieuse du Sénégal représente un tournant majeur dans sa politique éducative et culturelle. Elle souligne l'importance de l'identité linguistique dans le développement éducatif et national, tout en posant des défis logistiques et pédagogiques considérables pour les années à venir.