Haïti : Port-au-Prince sous l'emprise de la violence des gangs

La capitale haïtienne est plongée dans le chaos, avec des gangs armés contrôlant 80% de la ville. La police nationale lutte pour maintenir l'ordre dans un contexte de crise sécuritaire et humanitaire alarmante.

7 octobre 2024, 16:54  •  0 vues

Haïti : Port-au-Prince sous l'emprise de la violence des gangs

Dans les rues désolées de Port-au-Prince, capitale d'Haïti, le pays le plus pauvre des Amériques, la violence des gangs armés règne en maître. Fondée en 1749, cette ville autrefois dynamique est aujourd'hui méconnaissable, offrant un spectacle de dévastation qui témoigne de la grave crise sécuritaire et politique qui secoue le pays.

La police nationale haïtienne (PNH) tente de maintenir un semblant d'ordre dans ce chaos. Un véhicule blindé de la PNH, criblé d'impacts de balles, patrouille dans le centre-ville. À l'intérieur, quatre agents cagoulés scrutent les rues désertes, l'un d'eux pointant sa mitraillette vers l'extérieur. Cette scène illustre la réalité quotidienne d'une force de l'ordre en première ligne face à une menace omniprésente.

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Le centre historique de Port-au-Prince, jadis le cœur battant d'une ville de près de 11,4 millions d'habitants, ressemble aujourd'hui à un champ de ruines. Les avenues, jonchées de débris et bordées de bâtiments effondrés, sont barrées par des blocs de béton et des carcasses de voitures calcinées. Cette dévastation rappelle tristement le séisme dévastateur de 2010, dont le pays peine encore à se relever.

Les gangs armés contrôlent désormais environ 80% de l'agglomération, transformant des quartiers entiers en zones de non-droit. Dans la rue Pavée, fief du gang Krache Dife, les bandits occupent les maisons abandonnées. La police, impuissante, ne peut qu'observer : "Dès qu'on ouvre la porte du blindé, ils nous canardent", confie un agent sous couvert d'anonymat.

Malgré ce climat de terreur, certains habitants tentent de survivre dans ce paysage apocalyptique. On aperçoit un homme poussant une brouette chargée de sacs, une femme balayant une intersection jonchée d'ordures. Ces scènes de vie quotidienne contrastent cruellement avec la violence ambiante, rappelant que derrière les statistiques se cachent des vies brisées.

La crise sécuritaire ne cesse de s'aggraver. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, au moins 3 661 personnes ont été tuées dans le pays depuis le début de l'année 2024. Cette spirale de violence a contraint plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile, d'après l'Organisation internationale pour les migrations.

Cette situation catastrophique s'inscrit dans une longue histoire d'instabilité. Haïti, premier pays à abolir l'esclavage dans les Amériques en 1804, a connu de nombreux coups d'État et une dictature sous les Duvalier de 1957 à 1986. Malgré plusieurs missions de maintien de la paix de l'ONU, le pays peine à trouver la stabilité nécessaire à son développement.

Les défis auxquels fait face Haïti sont multiples : une économie fragile dépendant fortement des transferts de fonds de la diaspora, un taux d'alphabétisation d'environ 60%, une vulnérabilité aux catastrophes naturelles, et une malnutrition touchant près de 22% de la population. Dans ce contexte, la lutte contre les gangs armés apparaît comme un défi titanesque pour un État fragilisé.

La communauté internationale observe avec inquiétude cette descente aux enfers d'un pays qui, malgré ses richesses culturelles comme le créole haïtien et le vaudou, semble pris dans un cycle infernal de violence et de pauvreté. L'avenir de Port-au-Prince et d'Haïti tout entier reste incertain, tandis que la population civile paie le prix fort de cette crise sans précédent.