Yan Morvan : L'adieu à un pionnier du photojournalisme marginal

Yan Morvan, figure emblématique du photojournalisme, s'est éteint à 70 ans. Son œuvre, marquée par l'attrait pour les marges de la société et les zones de conflit, laisse un héritage unique dans l'histoire de la photographie.

23 septembre 2024, 12:06  •  216 vues

Yan Morvan : L'adieu à un pionnier du photojournalisme marginal

Le monde de la photographie est en deuil. Yan Morvan, figure incontournable du photojournalisme des années 1980, s'est éteint le 20 septembre à Paris à l'âge de 70 ans. Sa carrière, s'étalant sur plus de cinq décennies, a été marquée par une fascination pour les marges de la société et une quête incessante d'expériences extrêmes.

Né dans une famille militaire, Morvan a rapidement développé un goût pour l'histoire et l'aventure. Inspiré par l'Iliade et les péplums, il a cherché à capturer l'essence même des événements historiques à travers son objectif. Cette passion l'a conduit à documenter des conflits majeurs tels que la guerre du Liban et les "Troubles" en Irlande du Nord, deux conflits qui ont profondément marqué la fin du 20e siècle.

Le parcours de Morvan a débuté dans les années 1970, une période d'effervescence politique en France. Étudiant en cinéma, il a commencé par photographier des manifestations pour le journal Libération, fondé en 1973 par Jean-Paul Sartre. Cette expérience a forgé son style unique, caractérisé par une approche directe et sans compromis.

Sa carrière a pris un tournant décisif en 1975 lorsqu'il a rencontré un rockeur sur la place du Tertre à Paris. Cette rencontre a marqué le début d'une immersion de trois ans dans l'univers des blousons noirs, un phénomène de sous-culture juvénile qui a émergé en France dans les années 1950. Ce travail a donné naissance à son premier livre, "Le Cuir et le Baston", publié en 1977.

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Le talent de Morvan a été reconnu par l'agence Sipa, l'une des trois grandes agences de photojournalisme de l'époque. C'est au sein de cette structure qu'il a couvert des événements majeurs, notamment le mariage du Prince Charles et de Lady Diana Spencer en 1981. Ironiquement, c'est cette photo glamour qui lui a apporté son premier grand succès, bien loin de ses sujets de prédilection.

Morvan s'est ensuite plongé dans le conflit nord-irlandais, documentant la vie des jeunes catholiques pris dans les "Troubles" à Belfast et à Derry. Il a capturé des images poignantes de jeunes lançant des pierres alors que Bobby Sands, leader de l'IRA, menait une grève de la faim fatale en prison.

Mais c'est au Liban que Morvan a vécu ses expériences les plus intenses. Arrivé en 1982 pour remplacer un collègue blessé, il y est resté près de trois ans, collaborant avec le magazine américain Newsweek. Il a côtoyé des figures historiques comme Yasser Arafat et Amine Gemayel, tout en documentant la vie des combattants et des civils pris dans le conflit.

En 1985, Morvan est retourné au Liban pour un projet ambitieux. Armé d'une chambre photographique, il a capturé des portraits saisissants le long de la "ligne verte" qui divisait Beyrouth. Ce travail a culminé avec la publication de son livre monumental "Liban" en 2018.

"Yan avait un don pour se lier avec les 'méchants'. Il savait gagner leur confiance et capturer leur humanité, même dans les situations les plus extrêmes."

Un collègue photographe a déclaré

La carrière de Yan Morvan illustre l'évolution du photojournalisme au cours des dernières décennies. Son œuvre, à la fois provocante et profondément humaine, restera comme un témoignage unique de notre époque, capturant l'essence des marges de la société et des zones de conflit avec une authenticité rare.